A La Rochelle, l’ombre fugace des paradis fiscaux

Mardi 27 août 2013

chronique le 26/08/2013 par Anne-Sophie Jacques

A La Rochelle, l’ombre fugace des paradis fiscaux

A l’applaudimètre, la sociologue critique bat le ministre, mais de peu

Calme plat à La Rochelle. Les médias vous ont vendu les bisbilles entre ministres ? Du vent. Il régnait un consensus patent durant l’université d’été du parti socialiste. Après plus d’un an de pouvoir et à moins d’une année des élections municipales et européennes, on ne voit pas une tête dépasser. En tendant l’oreille on pouvait cependant entendre une petite voix étonnée d’être là, celle de Monique Pinçon-Charlot. Et dans sa voix, les conclusions de son enquête sur la trahison d’un socialisme de gouvernement qui a choisi son camp. Le camp de l’argent.

« Le PS a-t-il fait erreur sur la marchandise ? » La sociologue Monique Pinçon-Charlot se pose la question des tas de fois avant de se rendre aux universités d’été du Parti socialiste et la repose samedi devant un public curieux de savoir comment dominer la finance et combattre les paradis fiscaux.

[….] je rejoins la plénière consacrée à la finance notre ennemi. Ce n’est pas tant le thème qui m’attire que le nom des invités. Comme Monique Pinçon-Charlot, on peut penser à une erreur de casting : pour évaluer la capacité du gouvernement à dominer la finance, on trouve sur scène des voix très critiques. La sociologue d’une part : cette spécialiste des riches – déjà reçue avec son mari chez nous – met à nu la complicité entre gouvernants et monde de l’argent. Sur scène également, Mathilde Dupré, citée régulièrement ici. La chargée du plaidoyer à CCFD-Terre solidaire et spécialiste de l’évasion fiscale répète à l’envi que les gouvernements pourraient faire mille fois mieux pour débusquer les comptes offshore et les trusts aussi opaques qu’illégaux. Autre voix discordante, celle de Pierre Larrouturou. Economiste et socialiste qui quitta un temps le PS pour le parti des Verts avant de revenir au bercail, le co-fondateur du collectif Roosevelt fut vent debout contre la réforme bancaire imaginée par le gouvernement – et par ailleurs épluchée dans ce dossier. Face à eux : Karine Berger, députée et grande prêtresse de la loi de réforme bancaire, Benoît Hamon, ministre de l’économie sociale et solidaire, et Bernard Cazeneuve, ministre du budget.

Des avancées oui, mais de toutes petites avancées

En sept minutes, Mathilde Dupré, première à dégainer, tape juste. Elle rappelle que le chemin fut long avant que son discours n’arrive aux oreilles des socialistes. Qu’en 2010, son ONG prêchait seule dans le désert tandis qu’aux Etats-Unis la loi FACTA était adoptée. Cette année-là, les Américains exigeaient des banques étrangères de leur fournir les données de leurs ressortissants tentés de mettre leur argent au chaud dans les paradis fiscaux. Comme quoi, on peut le faire. Certes notre gouvernement socialiste est l’auteur d’une avancée avec la loi de réforme bancaire qui instaure la transparence des banques. Ces dernières devront donner la liste de leurs implantations dans chaque pays avec le nom et la nature de l’activité, les résultats et les effectifs. Un grand pas vers la transparence, qui a encouragé l’Europe dans ce sens. Mais on pourrait faire davantage, note Dupré : par exemple, exiger cette même transparence de la part des entreprises. Ou faire sauter le verrou de Bercy et permettre à la justice d’enquêter sur des fraudes fiscales avant le fisc. Cazeneuve soupire, et explique qu’à chaque fois qu’il discute avec Dupré, à chaque fois revient sur le tapis cette histoire de verrou de Bercy….

[…] Puis vient Monique Pinçon-Charlot. Etonnée d’être invitée, elle entame néanmoins son intervention en racontant son surf sur des sites qui proposent l’optimisation fiscale. Des sites en veux-tu en voilà. Pour elle, pas de doute : les gouvernements sont complices de cette évasion. Oui, même le nôtre. Une preuve ? Le groupe LVMH qui compte 140 filiales dans des paradis fiscaux et un ancien ministre socialiste dans son conseil d’administration, Hubert Védrine. La sociologue parle d’une vraie guerre des riches, une guerre avec des armes financières. Elle se tourne vers Karine Berger qui venait de vanter la réforme bancaire française -la seule de ce genre en Europe- et lui lance : « cette Europe néolibérale définie par un traité néolibéral ne doit pas être un point de repère intéressant ». Ovation dans la salle. Lire la suite sur le site d’Arrêt sur image.

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