Au Xinjiang, les tomates de la colère

Dimanche 22 mars 2020

Opinion

Au Xinjiang, les tomates de la colère

OPINION. Cofco Tunhe, le deuxième producteur mondial de concentré de tomates, est installé au Xinjiang – là où la Chine opprime des millions d’Ouïgours. Sa société mère, le groupe Cofco, a établi son centre international de négoce à Genève. La Suisse doit agir, écrit Isolda Agazzi, responsable du bureau romand d’Alliance Sud

Isolda Agazzi, responsable du bureau romand d’Alliance Sud, la coalition des principales ONG suisses de développement

Publié dimanche 22 mars 2020 à 18:40 Modifié dimanche 22 mars 2020 à 18:42

C’est « l’histoire absurde de notre monde globalisé » que raconte L’Empire de l’or rouge*, un reportage ahurissant de Jean-Baptiste Malet, sorti en 2017 après deux ans d’enquête. Il montre comment la production mondiale de sauce tomate a été déplacée d’Italie en Chine, plus précisément au Xinjiang, devenu le numéro deux mondial de l’industrie rouge grâce à Cofco Tunhe. Cette entreprise d’Etat chinoise possède 11 usines de transformation de tomates et 5000 hectares de champs de tomates dans cette région de l’ouest de la Chine. Nous avons par la suite découvert qu’en 2017 la maison mère, Cofco Group, a installé son centre international de négoce à Genève, sous le nom de Cofco International.

Si le journaliste provençal s’est intéressé à cette histoire c’est parce qu’un fleuron français de la sauce tomate, Le Cabanon, venait d’être racheté par un investisseur chinois, Liu Yi, dit « le général ». « Pourquoi un pays où on ne mange pas de sauce tomate veut-il concurrencer la Provence ou l’Italie ? » s’est-il demandé. Voici ce qu’il a découvert : au début des années 2000, le Bingtuan, une organisation militaro-industrielle créée en 1954 sur ordre de Mao et composée d’anciens cadres de l’armée, s’est retrouvé à la tête de Chalkis, un groupe de sauce tomate coté en bourse. La mission de cette organisation est d’éviter toute rébellion du peuple ouïgour en peuplant et en contrôlant la région du Xinjiang, où elle possède des terres et des ressources, et peut compter sur une main-d’œuvre bon marché : les ouvriers gagnent 1 centime d’euro par kilo de tomates ramassé et un tiers des récoltes se fait à la main. Les enfants accompagnent leurs parents dans les champs et parfois y travaillent aussi. Lire la suite.

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