Biens mal acquis : la Société générale sous statut de témoin assisté

Lundi 3 août 2015

Biens mal acquis : la Société générale sous statut de témoin assisté

Les enquêteurs prêtent un « rôle majeur » à une filiale de la banque dans ce dossier de détournement de fonds public au profit du Teodorin Obiang.

Source AFP

Publié le 03/08/2015 à 16:58 - Modifié le 03/08/2015 à 17:52 | Le Point.fr

La Société générale a été placée sous le statut de témoin assisté dans l’affaire dite des « biens mal acquis » par Teodorin Obiang, fils du président équato-guinéen, un dossier de détournement présumé de fonds publics dans lequel les enquêteurs prêtent un « rôle prépondérant » à la banque. « Société générale confirme bénéficier du statut de témoin assisté dans le cadre du dossier concernant Teodorin Obiang. Elle poursuivra naturellement sa coopération avec l’institution judiciaire », a réagi la banque dans un communiqué. Imposé le 30 juillet à la Société générale selon une source judiciaire, le statut de témoin assisté est intermédiaire entre celui de mis en examen et celui de simple témoin.

Les fonds en cause sont notamment passés par des comptes d’une filiale équato-guinéenne de la banque française, la Société générale de banque en Guinée équatoriale (SGBGE), détaille une source proche de l’enquête. Des « comptes bancaires utilisés » par Teodorin Obiang, soupçonné de s’être bâti en France, par ces détournements présumés, « un patrimoine immobilier et mobilier conséquent estimé à plusieurs centaines de millions d’euros », poursuit la source.

Hôtel particulier et voitures de luxe

Âgé de 46 ans et actuellement deuxième vice-président de la République de Guinée, Teodorin Obiang a été mis en examen en mars 2014 pour blanchiment de détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et abus de confiance. En cause, ses dépenses somptuaires : voitures de luxe, jet privé, hôtel particulier avenue Foch à Paris dont la perquisition a nécessité deux jours, une villa à Malibu en Californie… Or, pour véhiculer les fonds, les enquêteurs ont prêté un « rôle majeur » à la SGBGE, « filiale de la Société générale, qui a ouvert plusieurs comptes bancaires (…) au nom » de Teodorin Obiang mais aussi de sociétés avec lesquelles celui qui fut ministre de l’Agriculture et des Forêts est lié, comme la Somagui Forestal. Cette entreprise guinéenne est chargée de l’exploitation du bois précieux qui représente avec le pétrole l’une des principales richesses du pays.

La SGBGE avait été acquise à la fin des années 1990 par la Société générale, au moment où apparaissait le potentiel économique de la Guinée équatoriale lié à la découverte de pétrole « offshore » mais où l’immense majorité de la population reste très pauvre. La famille du président Teodoro Obiang avait conservé des parts dans le capital de la banque et un rôle prééminent dans sa direction, explique la source. Selon celle-ci, il est d’emblée « clair que la Société générale, même si elle est majoritaire au sein du capital de sa filiale, aura rapidement des difficultés de gestion ». De fait, le compte de Teodorin Obiang à la SGBGE, dont d’anciens dirigeants ont été entendus, « était principalement alimenté par des fonds du Trésor public de Guinée équatoriale », explique la source. Et les sommes sont importantes : près de 100 millions d’euros directement sur le compte du responsable équato-guinéen ; plus de 60 millions d’euros entre 2007 et 2010 sur celui de Somagui Forestal.

« Danger physique »

Les enquêteurs, qui ont perquisitionné le siège de la Société générale à La Défense, ont retrouvé des mails internes montrant, selon la source, que « la problématique du risque opérationnel lié au fonctionnement du compte de Téodorin Obiang a clairement été évoquée dans les années 2005 et 2006 ». Une fermeture du compte est alors évoquée, mais « aucune décision » en ce sens ne sera finalement « prise par la direction de la Société générale », relève la source. D’un audit interne réalisé en 2010, il ressortait que les salariés « expatriés pouvaient courir un danger physique en cas de refus d’exécution d’un virement », rapporte encore la source proche de l’enquête.

En octobre 2014, Teodorin Obiang avait accepté de renoncer à 30 millions de dollars d’avoirs aux États-Unis, dans le cadre d’un accord passé avec le gouvernement américain qui le poursuivait pour corruption. La justice française enquête également sur les patrimoines bâtis par les familles de plusieurs dirigeants africains, celle de Denis Sassou-Nguesso (Congo), du défunt Omar Bongo (Gabon), ou encore du président centrafricain déchu François Bozizé.

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