« Biens mal acquis » : le juge décide d’instruire sur les biens de chefs d’Etat africains

Mercredi 6 mai 2009 — Dernier ajout mardi 5 mai 2009

« Biens mal acquis » : le juge décide d’instruire sur les biens de chefs d’Etat africains

Mardi 5 mai 2009 22h30

La justice française va enquêter sur les biens acquis en France par trois chefs d’Etat africains. Un juge d’instruction a en effet décidé d’instruire la plainte déposée notamment pour « blanchiment » par une association, Transparence internationale France, a-t-on appris mardi de source judiciaire.

« C’est une décision sans précédent. C’est la première fois qu’une enquête est possible s’agissant de chefs d’Etat en exercice », s’est félicité Me William Bourdon, l’avocat de Transparence internationale France.

L’avocat se dit confiant, en dépit d’un probable appel du parquet. « Le droit est l’allié des plaignants depuis le début de cette affaire. Cet appel sera perçu comme une tentative politique d’asphyxie d’une enquête qui honore la France et rehausse son image auprès de l’Afrique. »

Le 20 avril, le parquet de Paris s’était opposé à l’ouverture d’une information judiciaire sur les biens en France des présidents Omar Bongo (Gabon), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville) et Théodore Obiang (Guinée-Equatoriale). La juge d’instruction Françoise Desset a passé outre les réquisitions du parquet.

En décembre, l’association Transparence International France et un ressortissant gabonais, Grégory Ngbwa Mintsa, ont déposé une plainte contre X pour « recel de détournement de fonds publics », « blanchiment », « abus de biens sociaux » et « abus de confiance ».

La juge d’instruction a estimé que l’association avait un intérêt à agir en France, mais pas le ressortissant gabonais. Le parquet avait considéré au contraire que les deux plaignants n’avaient aucune qualité à agir en France et ne pouvaient se prévaloir d’aucun préjudice.

Transparence International France « ne saurait (…) être directement et spécialement touchée par les faits, eux-mêmes peu circonscrits, qu’elle dénonce, en l’espèce les détournements de fonds publics de trois Etats africains », avait estimé le parquet dans ses réquisitions. Le parquet a cinq jours pour faire appel de cette décision qui devrait mettre à mal les relations diplomatiques entre ces trois Etats africains et la France.

Transparence International France et une autre association avaient déjà déposé deux plaintes simples, classées sans suite, au terme d’une enquête préliminaire qui avait donné un reflet à peu près exact du patrimoine détenus en France par ces présidents africains ou leurs proches.

De nombreux biens immobiliers sont ainsi détenus par ces chefs d’Etat ou par leurs familles, notamment dans les quartiers chics parisiens. L’enquête a également identifié leurs comptes bancaires, ou ceux de proches, ainsi que les nombreuses voitures de luxe -Aston Martin, Bugatti ou Mercedes- achetées parfois en espèces ou, comme pour l’une des filles du président Bongo, par chèque d’un avocat français et de la Paierie du Gabon en France.

Selon Me Bourdon, ces détournements sont à l’origine de l’appauvrissement de millions d’Africains. « Il est heureux qu’une enquête permette l’identification de ceux qui sont responsables de cet appauvrissement. »

© AP

Publié avec l’aimable autorisation de l’Associated Press.

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