Birmanie : les marques de joaillerie accusées de financer indirectement la junte en continuant à vendre des rubis extraits dans le pays

Mercredi 15 décembre 2021

Économie Birmanie

Birmanie : les marques de joaillerie accusées de financer indirectement la junte en continuant à vendre des rubis extraits dans le pays

Van Cleef & Arpels (Richemont) ou Bulgari (LVMH) font partie des entreprises visées par un rapport de l’ONG Global Witness. Mais les négociants estiment qu’il est quasi impossible de connaître la localisation exacte et la date d’extraction des pierres précieuses sur le marché.

Par Julien Bouissou et Juliette Garnier Publié aujourd’hui à 03h23, mis à jour à 05h56

Alors que la Birmanie s’enfonce dans la crise politique et humanitaire, l’ONG britannique Global Witness accuse, dans un rapport publié le 15 décembre, plusieurs grandes marques de joaillerie de financer indirectement, par l’achat de rubis birmans, la junte militaire arrivée au pouvoir par un coup d’Etat le 1er février. Parmi elles figurent Van Cleef & Arpels, filiale de Richemont, ou encore Bulgari, marque détenue par LVMH, accusées de vendre les pierres connues pour leur rouge intense, dont l’extraction en Birmanie est associée à des violations des droits de l’homme et alimente des conflits armés.

Lors de l’arrivée au pouvoir d’Aung San Suu Kyi, en 2016, le gouvernement birman avait décidé de ne plus accorder de licences aux exploitants miniers, souvent contrôlés par l’armée. Après leur départ, en 2020, l’exploitation s’est poursuivie, mais de façon illégale. Les mineurs informels interrogés par Global Witness disent avoir « plus d’opportunités qu’avant le coup d’Etat » grâce à un accès à « des parcelles riches en pierres précieuses ». Leur activité est devenue aussi plus dangereuse. « L’armée collecte des pots-de-vin auprès de dizaines de milliers de résidents locaux qui exploitent des mines à la main », affirme l’ONG qui rapporte que ces derniers sont « très vulnérables » aux risques de « violence arbitraire ».

A cela s’ajoutent plusieurs accidents. Au cours des derniers mois, au moins quatre mineurs sont morts dans l’éboulement d’une galerie souterraine à 300 mètres de profondeur et deux autres sont morts asphyxiés dans leur sommeil en raison du manque d’oxygène. L’extraction minière finance aussi les groupes armés locaux, dont certains opèrent aux frontières avec la Chine et la Thaïlande et sont impliqués dans la contrebande. Global Witness en conclut qu’il est « impossible de s’approvisionner en rubis birman sans financer la junte militaire birmane et/ou contribuer aux conflits et aux violations des droits de l’homme ».

Une activité au ralenti

Des accusations que conteste Vincent Pardieu, un gemmologue basé à Bangkok et qui s’est rendu à de nombreuses reprises dans des mines birmanes : « La majorité des rubis de Mogok, en Birmanie, sont comme des antiquités qui se revendent plusieurs fois à l’occasion d’un héritage, d’une catastrophe, ou pour rembourser des dettes, voire régler un divorce. » Selon lui, la production de rubis serait actuellement quasiment nulle : « L’activité a fortement ralenti depuis le début de l’année en raison de l’épidémie du Covid-19 et de l’insécurité qui a suivi le coup d’Etat de février. Les mineurs informels n’ont pas les équipements pour creuser en profondeur et trouver du rubis, donc ils revisitent les rejets des mines existantes pour en extraire d’autres pierres comme les spinelles ou les saphirs. » Lire la suite.

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