Chez Siemens, les pots-de-vin flambaient

Mercredi 15 août 2007

Chez Siemens, les pots-de-vin flambaient

Entreprise. Les sommes versées par le géant allemand dépasseraient un milliard d’euros.

Par Pascal Thibaut

QUOTIDIEN : mercredi 15 août 2007

Perquisitions, arrestations, procès, démissions en série, et toujours et encore de nouvelles révélations. Les affaires de corruption chez le géant allemand Siemens n’en finissent pas de prendre de l’importance au fur et à mesure que les difficiles investigations progressent. D’après le quotidien Süddeutsche Zeitung de Munich - qui abrite le siège de l’entreprise -, les pots-de-vin versés pour décrocher des contrats à l’étranger prendraient une ampleur plus importante.

Liechtenstein. En décembre, le Konzern, comme on appelle les géants de l’industrie allemands, évoquait des virements suspects de 420 millions d’euros. Siemens avait même dû corriger à la baisse son bilan 2005-2006 pour prendre en compte ces sommes. D’après la presse, les avocats du cabinet américain Deboise & Plimpton, chargés par Siemens d’enquêter, auraient découvert des transactions douteuses d’un montant trois fois supérieur : 900 millions d’euros pour la seule branche télécommunications et 250 à 300 millions pour le département centrales électriques. Les enquêteurs ont repéré de nombreux virements suspects destinés à des comptes au Liechtenstein ou dans d’autres pays. Siemens s’est refusé à tout commentaire sur ces nouvelles révélations se contentant de déclarer : « Nous faisons toute confiance aux administrations et aux experts et nous soutenons leur travail. Siemens souhaite que toute la lumière soit faite sur ces affaires. » La société a juste précisé que son dernier rapport trimestriel revoyait à la hausse le montant des transactions sans toutefois rentrer dans les détails.

Ces affaires de corruption touchent une des entreprises allemandes les plus connues. Créé il y a exactement cent soixante ans, le Konzern compte aujourd’hui près de 500 000 salariés dans le monde et génère un chiffre d’affaires de 87 milliards d’euros. « En Allemagne, Siemens fait partie de la famille », comme l’écrivait hier le quotidien berlinois Tageszeitung. Mais l’internationalisation de l’entreprise et la rude concurrence l’auraient conduit à distribuer des pots-de-vin pour décrocher des contrats, dans au moins 35 pays. En Italie par exemple, deux responsables de Siemens sont accusés d’avoir versé six millions d’euros à des collaborateurs de la société Enel pour obtenir la construction de centrales électriques. Leur procès a débuté au printemps.

Démissions. Ces pratiques ont été facilitées par la décision de Siemens, au début des années 90, de réorganiser sa structure. Les quinze départements créés alors ont disposé à partir de cette époque d’une large autonomie qui a permis les dérives, les contrôles laissant à désirer. Jusqu’à la fin des années 90, les pots-de-vin destinés à des responsables étrangers n’étaient pas illégaux en Allemagne. Ce n’est qu’après que Siemens a décidé de renforcer ses contrôles internes. Depuis le printemps, les démissions s’enchaînent : d’abord Heinrich von Pierer - conseiller de différents chanceliers allemands, un temps en lice pour la présidence de la République - qui a quitté, à la mi-avril, la direction du conseil de surveillance de l’entreprise qu’il avait dirigée pendant douze ans. Puis Klaus Kleinfeld, le jeune PDG, qui est parti cet été.

Le nouveau patron de Siemens, l’Autrichien Peter Löscher, veut maintenant faire le ménage : d’ici la fin de l’exercice en cours, fin septembre, il compte fournir des données exhaustives sur l’ampleur des affaires de corruption qui ont frappé la société.

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