Comment les actes terroristes sont-ils financés ?

Dimanche 22 novembre 2015

Comment les actes terroristes sont-ils financés ?

Attentats de Paris La question complexe revient après les attaques meurtrières du 13 novembre.

Les attentats du 13 novembre à Paris reposent la question du financement des actes terroristes et du repérage de flux suspects. Les spécialistes sont unanimes : les attaques dans la capitale française, avec leur terrible bilan humain, restent sur le plan financier une opération légère.

« Il ne s’agit pas de grosses sommes », assure Matthew Levitt, ancien responsable du trésor américain, aujourd’hui chercheur au Washington Institute. Il évalue à 50’000 dollars (51’000 francs) le coût total de l’opération.

Ressources évaluées à 2000 milliards de dollars

Jean-Charles Brisard, président du centre d’analyses du terrorisme, estime aussi à « quelques dizaines de milliers d’euros » l’argent nécessaire pour l’entraînement en amont d’un groupe, les déplacements, les logements, les armes, les munitions.

Les attaques ont été revendiquées par le groupe Etat islamique (EI), considérée comme l’organisation terroriste la plus riche au monde, et qui a formé plusieurs des assaillants lors de séjours en Syrie.

Le groupe de djihadistes dispose de ressources évaluées à 2000 milliards de dollars (provenant du pétrole, pillage des banques situées sur son territoire, trafic d’antiquités…), dont il tire des revenus annuels de 2,9 milliards de dollars.

Autofinancement

A-t-il pour autant pris en charge directement le financement des attentats ? D’après les enquêteurs, plusieurs retraits suspects auraient été effectués par les assaillants, accréditant la piste d’un soutien extérieur.

Mais les spécialistes soulignent aussi l’importance des circuits locaux et de l’« autofinancement » des auteurs d’actes terroristes. « Les recrues et sympathisants de l’Etat islamique sont encouragés à trouver leurs propres modes de financement, que ce soit pour rejoindre les territoires qu’ils contrôlent ou pour commettre les attentats à l’étranger », souligne Matthew Levitt.

Si les attentats ont été financés par Daech, le plus probable est que l’argent ait transité sous forme liquide, transporté par des combattants qui auraient regagné l’Europe. En cas de financement local, plusieurs canaux sont possibles.

Amedy Coulibaly, auteur de la prise d’otages du supermarché casher en janvier près de Paris, avait contracté un prêt à la consommation de 6000 euros, en présentant de faux bulletins de salaire, pour s’acheter une voiture, ensuite revendue pour acquérir des armes.

Contrefaçon et drogue

Les frères Kouachi, responsables de l’attaque contre Charlie Hebdo, avaient organisé un trafic de contrefaçons de vêtements et de chaussures de sport. D’autres se sont financés grâce au trafic de drogue.

Mais l’argent peut également être trouvé par des voies tout à fait légales : cartes de paiement prépayées anonymes achetées sur Internet ou découverts bancaires. En somme, « un financement de proximité qui passe par l’accumulation de petites sommes », observe Valérie Hauser, du cabinet de conseil Solucom, spécialiste des questions de blanchiment.

Au niveau international, le G20, les Etats les plus puissants de la planète, veulent mettre davantage à contribution le GAFI (groupe d’action financière), qui élabore des recommandations pour ses 36 Etats membres.

En France, Tracfin, service de renseignements dépendant du ministère de l’économie, surveille les flux financiers suspects. Renforcé après les attentats de janvier, l’organisme dispose d’une centaine d’agents, dont une dizaine travaillent exclusivement sur les questions terroristes.

Précautions

En 2014, Tracfin s’appuie notamment sur les informations transmises par les banques. Il a enquêté sur 3500 personnes, et s’attend à atteindre 5000 cette année. Les montants en jeu ne sont pas élevés, et « les terroristes prennent énormément de précautions », en payant souvent « en liquide », rappelle Jean-Charles Brisard.

« On est dans des systèmes très diffus. Il n’y a pas de flux de capitaux importants », ajoute Eric Percheron. Responsable de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme à l’office de coordination bancaire et financière, il compare parfois sa tâche de détection des flux douteux à celle d’un « médecin (chargé de traquer le dopage) sur le tour de France » cycliste.

Difficile, donc, d’empêcher un attentat par la seule surveillance des flux financiers. « Mais on transmet des informations aux autres services. Et c’est l’ensemble de ces éléments qui permettent d’identifier des suspects en amont », souligne un haut fonctionnaire. Et donc de déjouer d’éventuels futurs attentats.

(ats/nxp)

(Créé : 22.11.2015, 07h49)

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