Corruption du clan Kadhafi : un verdict qui fera jurisprudence

Mardi 28 octobre 2014

Justice lundi 27 octobre 2014

Corruption du clan Kadhafi : un verdict qui fera jurisprudence

Par Denis Masmejan

La condamnation de Riadh ben Aïssa est la première à tomber en Suisse dans le contexte du Printemps arabe, se félicite Michael Lauber, le procureur général de la Confédération.

Trois ans de prison dont la moitié avec sursis et sous déduction de 905 jours de détention préventive. C’est la peine infligée par le Tribunal pénal fédéral à Riadh ben Aïssa, ancien haut cadre du groupe d’ingénierie canadien SNC-Lavalin, pour des actes de corruption visant à décrocher des marchés dans la Libye de Kadhafi. Le verdict, tombé le 1er octobre mais dont les considérants ont été rendus publics lundi seulement, constitue la première condamnation prononcée en Suisse dans une affaire liée au Printemps arabe. « Cette décision est importante et fera jurisprudence sur plusieurs points », se félicite Michael Lauber, le procureur général de la Confédération, dans un entretien accordé au Temps.

[…] A l’époque vice-président de la division « construction » du géant mondial de l’énergie basé à Montréal, Riadh ben Aïssa a été reconnu coupable de corruption d’agent public étranger, gestion déloyale et blanchiment d’argent. Il a été condamné pour des versements effectués à partir de comptes ouverts en Suisse en faveur d’un fils du « guide » libyen, Saadi Kadhafi, pour des montants de plusieurs dizaines de millions de francs.

Avec ce jugement, c’est la première fois en Suisse, souligne Michael Lauber, qu’un tribunal reconnaît la notion d’« agent public de fait » dans le contexte d’un régime dictatorial. Saadi Kadhafi n’avait pas de fonction officielle particulière mais n’en jouait pas moins un rôle décisif dans l’attribution des marchés.

Cette situation, où les institutions officielles et les hauts fonctionnaires n’ont qu’un pouvoir de façade, est typique des dictatures et soulève des difficultés sur le plan juridique, explique Michael Lauber. Le jugement du Tribunal pénal fédéral peut faire jurisprudence pour d’autres cas, notamment dans les procédures ouvertes contre des membres de l’entourage de l’ex-président ukrainien.

[…] Au total, 40 millions ont pu être confisqués par la justice suisse. SNC-Lavalin, qui s’est porté partie plaignante, sera indemnisé sur ces fonds à hauteur de 12 millions. La totalité des biens et des avoirs en Suisse de l’accusé a été saisie. Celui-ci conserve toutefois son appartement familial à Monaco. Les enquêteurs n’ont pas pu prouver que ce bien avait été acquis avec les fonds provenant des infractions reprochées à Riadh ben Aïssa. En compensation, des proches de l’accusé ont accepté de verser des indemnités.

Un avocat genevois a aussi été mis en cause pour avoir prêté son concours aux montages financiers utilisés par Ben Aïssa. L’enquête dirigée contre lui par le parquet fédéral est toujours en cours. Lire la suite.

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