Des ONG tentent de relancer l’instruction sur un massacre rwandais

Vendredi 26 octobre 2018

Des ONG tentent de relancer l’instruction sur un massacre rwandais

26 oct. 2018 Par Agence Reuters

  • Mediapart.fr

Des associations, parties civiles dans un des dossiers liés au génocide rwandais de 1994, le massacre de centaines de Tutsis en trois jours dans les collines de Bisesero malgré la présence à proximité de soldats français de la force Turquoise, s’efforcent de relancer une instruction en panne 24 ans après les faits.

PARIS (Reuters) - Des associations, parties civiles dans un des dossiers liés au génocide rwandais de 1994, le massacre de centaines de Tutsis en trois jours dans les collines de Bisesero malgré la présence à proximité de soldats français de la force Turquoise, s’efforcent de relancer une instruction en panne 24 ans après les faits.

L’association Survie, la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et des rescapés de ces massacres commis du 27 au 30 juin 1994 accusent l’armée française d’avoir laissé faire.

Une plainte contre X déposée par six rescapés a donné lieu en 2005 à l’ouverture d’une information judiciaire.

Elle avait pour but d’établir les raisons de l’absence de réaction de la force Turquoise, mise en place le 22 juin sous mandat de l’ONU pour mettre fin aux violences au Rwanda, et les responsabilités éventuelles de ses commandants.

Mais les juges ont notifié le 27 juillet dernier aux parties civiles la fin de leur instruction, sans mise en examen.

Les parties civiles leur ont adressé jeudi des observations, assorties de demandes d’actes, pour relancer les investigations.

« Cette volonté de mettre fin à l’enquête judiciaire est prématurée et ne vous permet pas de tirer toutes les conséquences judiciaires des faits établis par les éléments du dossier », écrivent-elles.

« L’information judiciaire a en effet permis d’établir, sans contestation sérieuse possible, que les plus hautes autorités militaires françaises ont eu connaissance, dès le 27 juin 1994, de la poursuite du génocide sur les collines de Bisesero et qu’aucune mesure, jusqu’aux initiatives personnelles de militaires de terrain le 30 juin 1994, n’a été prise pour intervenir et y mettre un terme », ajoutent-elles.

« ABSTENTION VOLONTAIRE D’INTERVENIR »

Pour les parties civiles et leurs avocats, cette « abstention volontaire d’intervenir » relève de la complicité de génocide.

Ils estiment que l’enquête doit se poursuivre pour déterminer les responsabilités pénales individuelles de cette inaction. Ils demandent notamment aux juges de procéder à toute une série de confrontations et d’auditions de responsables politiques et militaires français de l’époque.

Les parties civiles et leurs avocats demandent aussi le versement au dossier de documents (comptes rendus, journaux de marche des unités concernées, enregistrements vidéo, etc.)

Le site d’informations Mediapart a publié jeudi sur son site une vidéo de 52 secondes filmée sur le terrain au Rwanda le 28 juin 1994 et montrant un officier supérieur français restant impassible quand un sergent-chef l’alerte sur les violences en cours dans les collines, à quelques kilomètres.

Les autorités françaises ont toujours déclaré n’avoir aucune responsabilité dans les massacres, malgré les critiques du président rwandais Paul Kagamé, un Tutsi, qui affirme qu’elles ont favorisé les génocidaires Hutu.

L’amiral Jacques Lanxade, chef d’état-major des armées sous François Mitterrand (1991-1995), a demandé en mai dernier dans une interview au Monde l’ouverture des archives militaires sur l’opération « Turquoise » pour démontrer que l’armée française n’avait rien à se « reprocher ».

« Notre mission était d’arrêter les massacres. Point à la ligne. Je ne voulais pas que nous puissions nous trouver impliqués dans les combats », a-t-il dit. « Nous avons été les seuls à intervenir et à sauver des gens ! »

UN AUTRE NON-LIEU REQUIS

Le parquet de Paris a requis le 10 octobre un non-lieu dans un autre dossier embarrassant pour la France, au moment où elle s’efforce de normaliser ses relations avec le Rwanda : la mise en cause de huit personnes, dont l’actuel ministre de la défense rwandais, poursuivies pour l’attentat dans lequel a péri le président Juvénal Habyarimana en 1994.

Cet attentat, considéré comme l’élément déclencheur du génocide qui a coûté la vie à 800.000 personnes dans ce pays de l’Afrique des Grands Lacs, empoisonne depuis plus de deux décennies les relations entre Paris et Kigali.

Dans son réquisitoire définitif, le procureur de la République estime « qu’il ne résulte pas de l’information judiciaire de charges suffisantes » contre les mis en examen, la plupart proches de l’actuel président rwandais.

Deux anciens maires rwandais accusés d’avoir ordonné des massacres de Tutsis en 1994 ont en revanche été condamnés le 6 juillet en appel à Paris à la prison à perpétuité, comme en première instance.

Revenir en haut