Deux anciens présidents du Panama inculpés le même jour pour « blanchiment »

Vendredi 3 juillet 2020

Justice

Deux anciens présidents du Panama inculpés le même jour pour « blanchiment »

Ricardo Martinelli « a été inculpé pour blanchiment d’argent pour l’achat d’un média », quand Juan Carlos Varela est visé dans l’affaire Odebrecht. Des inculpations qui vont permettre d’améliorer l’image de la justice panaméenne, très décriée

AFP Publié vendredi 3 juillet 2020 à 05:52

Deux anciens présidents du Panama, Ricardo Martinelli (2009-2014) et Juan Carlos Varela (2014-2019) ont été inculpés jeudi pour « blanchiment de capitaux » après avoir comparu devant le parquet.

Ricardo Martinelli dénonce une persécution politique

Ricardo Martinelli « a été inculpé pour blanchiment d’argent pour l’achat d’un média », a indiqué à l’Agence France-Presse (AFP) Me Roniel Ortiz, un des avocats de l’ancien président. Il est soupçonné d’avoir acheté un groupe de presse avec de l’argent public durant son mandat.

Au titre du contrôle judiciaire, Ricardo Martinelli ne doit pas quitter le pays et devra se présenter chaque mois aux autorités judiciaires. « Je suis en colère. C’est une persécution politique sans fin. C’est une affaire dans laquelle je n’ai jamais été cité auparavant, qui n’a ni raison ni fondement : ils veulent m’impliquer pour m’annihiler », a tempêté l’ancien président devant la presse après sa comparution.

L’ancien président, extradé par les Etats-Unis, a déjà été acquitté en 2019 de l’accusation d’espionnage de ses opposants au Panama et à l’étranger, après avoir fait deux années de prison préventive. Son nom a été mentionné dans de multiples scandales de corruption pour lesquels une douzaine de ses ministres avaient été arrêtés. Ses avocats font valoir qu’il ne peut être jugé pour une autre affaire que celle qui a motivé son extradition.

« Personne n’est au-dessus des lois »

Le Parquet spécial anti-corruption a confirmé de son côté à l’AFP l’inculpation de Juan Carlos Varela pour blanchiment de capitaux dans l’affaire Odebrecht, le géant brésilien du BTP, qui a reconnu avoir versé des pots-de-vin à de nombreux dirigeants politiques latino-américains ces dernières années.

L’enquête « n’a rien à voir » avec son action durant son mandat, mais porte sur des donations pour des campagnes électorales « conformément à la loi », a assuré un communiqué du bureau de l’ex-président Varela.

Les deux anciens présidents de droite entendus jeudi par la justice sont d’anciens alliés politiques : Juan Carlos Varela était le colistier de Ricardo Martinelli lors de son élection en 2009. Mais les deux hommes se sont brouillés en 2011 avec le limogeage de Juan Carlos Varela du gouvernement de Ricardo Martinelli.

La convocation des deux ex-présidents « peut signifier, si on est un peu optimiste, que les institutions s’imposent et que personne n’est au-dessus des lois », a commenté pour l’AFP Carlos Barsallo, dirigeant pour le Panama de l’ONG anti-corruption Transparency International. Cependant, « en étant réaliste et prudent, et vues les expériences antérieures, il faut attendre de voir des résultats réels et définitifs », a-t-il aussitôt ajouté, en rappelant qu’au Panama s’est jusqu’ici imposée « l’impunité ».

#Panama Piden a la ciudadanía no distraerse del fondo ante la citación de dos expresidentes al MP https://t.co/kEjApVAa5W vía @tvnnoticias — carlos barsallo (@barsallocarlos) July 2, 2020

Une multiplication des instructions pour corruption

Le gouvernement de l’actuel président Laurentino Cortizo (centre gauche) a nommé l’année dernière le procureur général Eduardo Ulloa, spécialisé dans les affaires de corruption et de délits financiers, afin de tenter d’améliorer l’image de la justice panaméenne, très décriée par des organisations citoyennes et syndicales.

Au cours des quatre dernières années, près d’une trentaine de dossiers pour corruption ont été instruits au Panama, mais aucune condamnation n’a été prononcée contre de hauts responsables, et plusieurs procédures ont été abandonnées pour vices de forme ou annulation de preuves.

« Les actions contre l’impunité et contre la corruption montent en puissance », a cependant commenté pour l’AFP Carlos Lee, le président de l’Alliance civique Pro Justicia. « Les citoyens exigent de la justice qu’elle enquête sur ceux qui sont impliqués dans des affaires de corruption, peu importe les postes qu’ils ont occupés. »

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