En Ouganda, le pétrole de Total impose le silence et la peur

Samedi 27 novembre 2021

En Ouganda, le pétrole de Total impose le silence et la peur

Par Laurence Caramel (Buliisa (Ouganda), envoyée spéciale)

Publié hier à 02h20, mis à jour hier à 15h28

Enquête Dans ce pays pauvre et enclavé, un immense chantier, dans lequel le groupe français joue un rôle moteur, est critiqué pour ses conséquences sur l’environnement et les populations locales.

La peur est devenue leur horizon. Peur du jour qui se lève et de la faim qui revient. Peur de l’avenir qu’ils n’ont pas choisi : quitter leur terre, attendre l’argent promis en dédommagement et qui ne vient pas. Peur de la violence de l’armée, des arrestations… Dans l’ouest de l’Ouganda, pays pauvre et enclavé, rares sont les habitants qui osent encore s’opposer au gigantesque projet d’exploitation du pétrole enfoui sous les eaux et les rives du lac Albert.

L’enjeu les dépasse : ce chantier à 10 milliards de dollars (9 milliards d’euros) incarne les promesses de prospérité faites à la population par le président Yoweri Museveni. Le vieil autocrate, reconduit pour un sixième mandat en janvier, en a fait l’enjeu principal de son bilan, et veille en personne à le voir aboutir. Quinze ans après les premières découvertes de pétrole, le projet a reçu son feu vert définitif en avril.

Quinze ans… Un délai « anormalement long », selon les experts du secteur, révélateur des multiples différends ayant émaillé les négociations entre l’Etat et les entreprises chargées de faire sortir de terre le gros milliard de barils jugés récupérables sur les 6,5 milliards de réserves piégées dans les roches du rift albertin. Après une si longue attente, l’inamovible président répète que plus rien ne fera obstacle au démarrage de la production, prévu en 2025 pour une durée de vingt-cinq à trente années.

« Un nid d’informateurs »

En ce lundi d’octobre, rendez-vous a été pris au petit matin pour ne pas croiser les forces de sécurité. Nous sommes à bonne distance de Buliisa, principal bourg du district du même nom, et vitrine en construction du rêve pétrolier avec sa rue principale fraîchement asphaltée, son enfilade de réverbères et sa station-service Total au fronton marqué d’un grand « bonjour ». « Un nid d’informateurs à la solde des autorités et du sous-traitant de Total Atacama » chargé de faire accepter aux villageois de renoncer à leurs terres, ont averti nos « éclaireurs ». Au bord du lac Albert, en Ouganda, en octobre 2019. Le gigantesque projet d’exploitation du pétrole est enfoui sous les eaux et sur les rives du lac. Lire la suite.

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