Entretien avec le philosophe Alain Deneault : les paradis fiscaux

Mercredi 22 juin 2016

Entretien avec le philosophe Alain Deneault : les paradis fiscaux

Simon Lefranc 2016-06-21

Les paradis fiscaux sont de retour dans l’actualité politique internationale avec le scandale des Panama Papers.

[…] Q : Êtes-vous en accord avec l’idée de l’économiste Thomas Piketty de mettre en place un impôt mondial pour lutter contre les paradis fiscaux ?

R : Dans l’ordre actuel des choses, dans le contexte de la mondialisation tel qu’elle a été organisée, je comprends qu’on en vienne à cette proposition-là et elle me semble oui sensée. Je ne pense pas qu’on aurait, dans une sorte de monde idéal, à imaginer l’organisation du fisc, qu’on ait cru bon de commencer par un fisc mondial, mais maintenant que les États ont signé des accords de libre-échange et laisser les paradis fiscaux se développer ainsi que les multinationales avec la notion de corporation. Maintenant que les États et les pouvoirs publics ont laissé libre-cours au capital, sans l’entrave ni contrôle ou supervision et ont permis aux multinationales ainsi qu’aux banques de mettre les États en concurrence les uns contre les autres. Nous en sommes au point où les États doivent, en quelque sorte , reprendre la main sur les transnationales par une instance qui les dominera, à tout de moins en ce qui concerne le fisc, pour percevoir la part d’impôt que les multinationales doivent.

Q : Vous expliquez que les paradis fiscaux sont des endroits n’ayant pas de lois du travail ou environnementales. Par contre, le Luxembourg a des lois du travail et des lois environnementales avec une fonction publique très développée puis ayant même banni Monsanto. Considérant cela, est-ce qu’on peut vraiment dire du Luxembourg que c’est un paradis fiscal ou c’est un État avec des règles d’imposition plus légères ?

R : Les législations de complaisance sont comme les boutiques d’un centre commercial dans le sens qu’elles ont une spécialité qui leur est propre. Ce qu’on peut trouver en Jamaïque ou au Libéria n’existera pas à l’ile Jersey ou au Luxembourg. Pour l’assemblage de produits manufacturés, on ira en Jamaïque et pour faire travailler des enfants à un dollar par jour ce sera l’Inde. Si on veut pratiquer le hors bilan ou créer une structure à l’abri de tout contrôle de l’État, en ce qui concerne la gestion de portefeuille, les holdings, on ira au Luxembourg. De cette façon, Amazon peut vendre des livres écrits part des Britanniques, édités dans des maisons britanniques, à des Britanniques en utilisant les routes financées par les Britanniques, mais en facturant le service rendu dans cet État depuis le Luxembourg. Ils échappent donc au fisc britannique. Lire la suite.

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