France : la justice enquête sur les biens d’oligarques russes

Lundi 25 juillet 2022

France : la justice enquête sur les biens d’oligarques russes

Agence France-Presse 25 juillet 2022 à 18h48

Une enquête judiciaire visant les biens acquis en France par des oligarques russes proches du président Vladimir Poutine a été ouverte le 1er juillet, a-t-on appris lundi de source proche du dossier.

L’enquête a été ouverte par le parquet national financier (PNF), et confiée à l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF).

Elle survient après que l’ONG anticorruption Transparency International (TIF) a déposé une plainte fin mai à Paris, notamment pour des faits de « blanchiment » visant de possibles biens mal acquis en France par « des hommes d’affaires et hauts fonctionnaires proches de Vladimir Poutine ».

La plainte contre X de l’ONG vise, outre le blanchiment, la non justification de ressources, Transparency International expliquant ainsi « dénoncer le système de capture de l’Etat russe et de la richesse nationale par » des proches de M. Poutine.

Selon l’ONG, qui ne donne pas les noms des personnes visées pour « éviter des représailles », le système élaboré « étend ses ramifications jusqu’en France, dans le secteur de l’immobilier notamment, du fait d’un manque de vigilance des intermédiaires ».

« L’ambition des mesures de sanctions contre la Russie et les premières annonces de gel se heurtent aux difficultés d’identifier le patrimoine des personnes sanctionnées. En France, comme ailleurs, la traque des avoirs des oligarques et des proches du régime russe piétine », a expliqué l’ONG, en insistant sur les « intermédiaires, prête-noms, sociétés-écran ou trusts dans des paradis fiscaux ou judiciaires ».

Grâce à diverses sources, « nous avons pu dresser un inventaire du patrimoine immobilier en France de plusieurs oligarques et proches du régime russe, identifier les chaînes de propriétés mises en place à cet effet, et réunir un faisceau d’indices sur l’origine illicite des ressources ayant permis l’acquisition de ce patrimoine », a affirmé Patrick Lefas, président de Transparency international.

« Le chapitre judiciaire des biens mal acquis des oligarques russes va s’ouvrir », s’est félicité Me William Bourdon, avocat de l’ONG. « Les mesures de gel (d’avoirs, NDLR) intervenues » suite à la guerre en Ukraine « vont être dans certains cas un facteur d’accélération de l’enquête et permettront de vastes mesures de saisie et en cas de condamnation pénale, de confiscations », a-t-il ajouté.

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la communauté internationale a dressé une liste de noms d’oligarques russes dont les avoirs ont été gelés.

En France, plusieurs propriétés ont été recensées, sur la côte d’Azur, dans les Alpes, à Paris ou dans le Sud-Ouest.

Fin avril, la France avait immobilisé 23,7 milliards d’euros d’actifs russes sur son territoire, dont des biens immobiliers pour une valeur d’acquisition de 573,6 millions.

Notamment quatre cargos, quatre yachts pour une valeur supérieure à 125,2 millions d’euros ; six hélicoptères pour une valeur supérieure à 60 millions d’euros ; et pour 7 millions d’euros d’œuvres d’art.

Le cap d’Antibes, le cap Ferrat, Courchevel, la Corse sont des destinations prisées des milliardaires russes, qui ont parfois fait flamber les prix.

Dans une enquête de l’AFP diffusée en avril, une directrice d’agence immobilière faisait état d’achat de maisons à « 50 millions d’euros » au Cap Ferrat, entre Nice et Monaco.

Parmi les biens possédés par des milliardaires russes figurent de vastes chalets luxueux à Courchevel ou dans d’autres stations de skis, dont les prix avoisinent les 100 millions d’euros.

Les propriétaires se cachent souvent derrière des sociétés écrans domiciliées aux Bahamas ou à Guernesey.

Les enquêteurs soupçonnent l’usage de prête-noms, afin que l’on ne puisse pas remonter jusqu’au véritable propriétaire du bien.

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