Guerre en Ukraine : jeu de cache-cache géant entre les oligarques russes et les autorités européennes

Lundi 21 mars 2022

International Les enquêtes des Décodeurs

Guerre en Ukraine : jeu de cache-cache géant entre les oligarques russes et les autorités européennes

Les oligarques russes sous sanction, usant de discrétion, recourent à de nombreux stratagèmes pour mettre une distance de façade entre eux et les avoirs qu’ils détiennent. Ces artifices compliquent la traque des actifs par les autorités financières internationales.

Par Anne Michel, Vincent Nouvet et Jérémie Baruch Publié aujourd’hui à 17h55, mis à jour à 19h19

Les images des méga yachts immobilisés à La Ciotat, dans les ports d’Hambourg ou de Barcelone et sur les côtes italiennes, tournent en boucle sur les réseaux sociaux. Comme autant de symboles de la traque aux avoirs des oligarques russes proches du Kremlin, lancée par l’Europe et les Etats-Unis, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février. Pourtant, le travail des autorités pour identifier l’ensemble des biens (comptes en banque, villas, yachts, jets privés…) détenus par les 877 hommes d’affaires et politiciens visés par les sanctions de l’Union européenne (UE), afin de les geler et d’assécher les ressources de leurs propriétaires, n’en est qu’à ses débuts.

Surtout, la tâche s’annonce ardue, car de nombreuses chausse-trapes se dressent sur la piste des oligarques : sociétés-écrans créées dans des paradis fiscaux, montages financiers opaques, bénéficiaires factices recensés dans les registres du commerce… Des bataillons d’avocats ont été recrutés, pour couper le lien, ou le brouiller, entre ces milliardaires, qui doivent leur fortune à la privatisation de pans entiers de l’économie lors du démantèlement de l’URSS, et leurs biens. Or les Etats européens le savent : les investissements des oligarques russes en Europe sont colossaux. Ils se comptent en dizaines de milliards d’euros.

C’est dans ce contexte qu’un groupe de journalistes piloté par le consortium d’investigation Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) et le quotidien britannique The Guardian, auquel se sont joints Le Monde et vingt-deux autres médias internationaux, a entrepris d’enquêter sur les avoirs de ces oligarques, dont une part très importante est détenue hors de Russie. Le fruit de ce recensement est publié dans un moteur de recherche accessible au public, baptisé Russian Asset Tracker (Outil de suivi des actifs russes). Il s’agit de savoir quels pays d’Europe, d’Amérique ou d’ailleurs abritent les richesses de ces proches de Vladimir Poutine – ceux qui ont contribué jusqu’ici à le maintenir au pouvoir, politiquement ou financièrement.

Le projet ayant été lancé quelques jours avant l’invasion de l’Ukraine, les investigations se sont pour l’instant concentrées sur une liste des 35 proches du Kremlin établie en 2021 par l’opposant politique et activiste russe Alexeï Navalny – certains ont, depuis, été placés sous sanctions occidentales ; d’autres non. Ce Russian Asset Tracker, qui sera enrichi au fil du temps par l’OCCRP, offre un premier audit, inédit, de la fortune « offshore » de ces milliardaires. Lire la suite.

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