L’Agence anti-corruption se fait les dents sur un cas paradoxal

Mercredi 26 juin 2019

L’Agence anti-corruption se fait les dents sur un cas paradoxal

25 juin 2019 Par Agence Reuters

  • Mediapart.fr

Le groupe familial de distribution de matériel électrique aux professionnels Sonepar, un leader mondial du secteur, a été mardi la première entreprise à comparaître devant la commission des sanctions de l’Agence française anticorruption (AFA).

PARIS (Reuters) - Le groupe familial de distribution de matériel électrique aux professionnels Sonepar, un leader mondial du secteur, a été mardi la première entreprise à comparaître devant la commission des sanctions de l’Agence française anticorruption (AFA).

Créée fin 2016 par la loi « Sapin II », l’AFA a pour mission de veiller à ce que les entreprises françaises les plus exposées adoptent des dispositifs anti-corruption, une réponse au recours croissant à l’arme économique du droit, en particulier par les Etats-Unis, dans un contexte de concurrence exacerbée.

Paradoxalement, la première société épinglée par l’AFA pour manquements présumés n’a pas vraiment le profil de l’entreprise surexposée en raison de ses activités transnationales ou sur les marchés publics.

Cette société non cotée créée il y a 50 ans par des familles du nord de la France revendique 46.000 salariés, 22,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires dont 7,3 milliards aux Etats-Unis en 2018, un million de clients servis dans 44 pays à travers 170 enseignes et 2.800 agences.

Selon des documents fournis par le groupe, celui-ci ne réalise que 1,8% de son chiffre d’affaires dans le cadre de commandes publiques, le reste étant essentiellement effectué en exécution immédiate de commandes. La valeur moyenne de ces commandes est de 375 euros, tous pays confondus, et son activité de distribution génère peu de flux internationaux.

« Rien ne prédestinait Sonepar à une telle attention, alors que le secteur de la distribution auquel appartient le groupe n’est pas particulièrement exposé au risque de corruption et de trafic d’influence », fait valoir la direction de l’entreprise dans un document adressé à l’agence.

L’AFA lui a néanmoins notifié cinq griefs le 13 mars.

« DÉTOURNEMENT DE PROCÉDURE » ?

Il est ainsi reproché à Sonepar de ne s’être doté ni d’une « cartographie des risques de corruption et de trafic d’influence », ni d’un code de conduite répondant aux exigences de la loi de décembre 2016, ni d’une procédure d’évaluation des tiers (clients, fournisseurs, intermédiaires …).

L’AFA lui reproche aussi de ne pas avoir intégré à ses procédures de contrôle comptable des dispositions permettant de s’assurer que ses livres, registres et comptes ne sont pas utilisés pour masquer des faits de corruption ou de trafic d’influence, ou de n’avoir pas mis en place un dispositif d’évaluation interne des mesures anticorruption.

En réponse à ces griefs, la direction de Sonepar juge « étrange » de se retrouver contrôlée « sur la base de règles et de référentiels en gestation » et dénonce un « contrôle inquisitorial d’une ampleur inédite », qui s’est soldée, dit-elle, par quelque 8.000 heures de travail et un million d’euros de frais d’avocat.

Elle dénonce un « détournement de procédure » et met en cause les méthodes de l’AFA, dont le véritable objectif, dit-elle, « était la recherche active d’indices de commission d’infractions (…) dans le but de nourrir une enquête pénale ».

Une méthode susceptible d’aller à rebours de la mission initiale de l’AFA, qui est d’aider les entreprises françaises à se mettre en conformité avec des règles internationalement reconnues et non d’en faire la cible de leurs concurrents.

Sur le fond, le groupe Sonepar conteste avoir commis un quelconque manquement à ses obligations légales et assure avoir bien mis en place les dispositifs prévus par la loi « Sapin II ».

Le directeur de l’AFA, Charles Duchaine, n’en a pas moins demandé qu’il soit enjoint à cette entreprise de se mettre en conformité et de se soumettre à un nouveau contrôle, sous peine de subir une sanction financière si cette mise en conformité n’est pas effective et concluante. La commission des sanctions a quatre semaines pour rendre sa décision.

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