L’empire souterrain de Carlos Ghosn

Samedi 22 février 2020

Police et justice Carlos Ghosn

L’empire souterrain de Carlos Ghosn

Une information judiciaire est ouverte à Nanterre à l’encontre de l’ex-PDG de Renault-Nissan. Les juges soupçonnent M. Ghosn d’avoir construit un réseau de sociétés-écrans pour assurer son train de vie et détourner des fonds de son groupe à son profit.

Par Samuel Laurent, Simon Piel et Jérémie Baruch Publié aujourd’hui à 00h31, mis à jour à 10h00

« Abus de biens sociaux, abus de bien sociaux aggravés, abus de confiance aggravés, recel de ces infractions, faux et usage, blanchiment aggravé d’abus de biens sociaux et d’abus de confiance aggravés. » La liste des chefs de l’information judiciaire ouverte mercredi 19 février contre X dans le cadre du dossier Ghosn est impressionnante, à l’image de l’affaire ou plutôt des affaires qui ont valu à l’ex-PDG de l’Alliance Renault-Nissan, aujourd’hui réfugié au Liban après avoir fui le Japon, d’être arrêté, fin 2018. Et ce n’est pas la seule action en cours : Carlos Ghosn a également attaqué Renault aux prud’hommes, dans une procédure en référé. Le dossier, qui devait être jugé vendredi, a finalement été renvoyé au 17 avril, à la demande des avocats de l’ex-PDG.

Patron charismatique ayant hissé son groupe automobile dans les premières places mondiales, décrit comme un bourreau de travail exigeant, Carlos Ghosn avait également, selon les soupçons des enquêteurs, tant au Japon qu’aux Etats-Unis ou en France, su faire fructifier son patrimoine et celui de ses proches. Il menait un train de vie dispendieux aux frais de son groupe, qui passait par un véritable empire souterrain de sociétés-écrans et de montages financiers acrobatiques, du Liban au Brésil, en passant par les Pays-Bas ou les îles Vierges britanniques. Cet empire lui aurait permis de détourner, selon les soupçons des enquêteurs, plus de 40 millions d’euros de l’Alliance Renault-Nissan à son profit.

Les juges d’instruction du pôle économique et financier du tribunal de Nanterre, parmi lesquels le redouté Serge Tournaire, s’intéressent aux dépenses de l’ex-PDG, déjà objet d’une enquête préliminaire depuis 2019. Parmi les griefs, l’usage très libéral par M. Ghosn et sa famille du jet privé fourni par l’Alliance Renault-Nissan, mais aussi deux soirées luxueuses organisées par M. Ghosn au sein du château de Versailles et où se sont pressés une centaine d’invités prestigieux, dont à peine une dizaine étaient liés à Renault ou à Nissan. Coût de l’opération : plus de 600 000 euros, assumés par le groupe au travers de sa filiale hollandaise, RNBV. Accusations balayées

L’enquête va également porter sur un volet jusqu’ici surtout instruit par la justice japonaise : l’ex-patron de Renault-Nissan est suspecté d’avoir détourné à son profit des fonds issus de l’alliance, via un distributeur de véhicules basé à Oman, Suhail Bahwan Automobiles (SBA), « pour des montants de plusieurs millions d’euros », précise le parquet. SBA aurait ainsi reçu des fonds issus d’une ligne budgétaire dite « réserve du président » – jusqu’à 30 millions d’euros de Nissan, 10 millions pour Renault. Cette manne, présentée comme des « primes de performance », aurait servi pour partie, selon l’enquête japonaise, à abonder une société libanaise, Good Faith Investments. Lire la suite.

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