La City gangrenée par l’argent du crime

Jeudi 17 novembre 2005 — Dernier ajout dimanche 13 mai 2007

La City gangrenée par l’argent du crime

Jacques Duplouich

[17 novembre 2005]

CALLUM MCCARTHY ne s’exprime pas à la légère. Président de la très respectée Financial Services Authority (FSA), l’institution en charge de superviser le secteur financier au Royaume-Uni, il sait même précisément de quoi il parle. Quand cet économiste distingué reconnaît, comme ce fut le cas avant-hier devant un aréopage de dirigeants, que des organisations criminelles de style mafieux, mais aussi des groupes terroristes, « placent des agents dévoués » dans les structures bancaires du pays pour mettre en œuvre fraudes et blanchiment d’argent sale, il convient de le prendre au sérieux.

Le montant des fraudes (commissions occultes, manipulations…) est estimé à 14 milliards de livres par an au Royaume-Uni, tandis que 25 milliards de livres d’argent douteux seraient blanchis dans les établissements financiers de la City.

« Les preuves existent » d’un noyautage organisé, assure Callum McCarthy. Grâce à des relais complaisants dans les banques, les organisations « sont en mesure d’accroître leur connaissance des systèmes de fonctionnement et de contrôle et, ainsi, d’acquérir la manière de les contourner pour commettre leurs fraudes ». Depuis dix-huit mois, « les tentatives d’infiltration se multiplient, parfois ouvertement », confirme Olivier Shaw, chef inspecteur de la police de la City. Les campagnes de recrutement de complices à l’intérieur des banques prennent différentes formes. Certains employés sont abordés directement alors qu’ils déjeunent ou se trouvent dans un pub, après leur travail. D’autres peuvent être contactés au téléphone.

Un phénomène déjà dénoncé dans le passé

L’intérêt des bandes criminelles pour la City s’explique à la fois par le nombre de banques internationales qui y sont implantées - plus de 400 - et par la réputation de respectabilité de la place financière londonienne. Une réputation assise sur un arsenal de règlements draconiens pour dissuader, justement, les pratiques frauduleuses. Mais le problème n’est pas d’ordre législatif, dit-on à la City. Il relève de l’application de ces lois. Or, malgré le coût élevé des contrôles de conformité des différentes opérations à la charge des banques - 400 millions de livres pour la seule HSBC -, le système se révèle impuissant.

Il y a un an déjà, l’Association des banques suisses avait sonné une charge contre la City, « ce paradis du blanchiment ». Son président, Pierre Mirabaud, mettait en cause la pratique confidentielle du dépôt d’argent par le biais d’un trust anonyme. « Les banques ne savent pas qui sont leurs clients », s’indignait-il. Un peu plus tôt, en 2001, un rapport parlementaire français avait dénoncé « la grande perméabilité du système financier britannique et la fragilité des contrôles aux points d’entrée ».

Le manque de formation des personnels, la corruption des employés, l’instantanéité des systèmes financiers électroniques qui prend de court les experts financiers, sont autant de défauts à corriger, reconnaît Callum McCarthy. « Il faut harmoniser notre action, celle des entreprises et celle de la police », explique-t-il. Mais « l’économie britannique ne peut pas se permettre d’infléchir les recettes du secteur invisible alors que le secteur industriel devient anorexique », ironise un sceptique.

© Le Figaro.

Publié avec l’aimable autorisation du journal Le Figaro.

Visitez le site du journal Le Figaro.

Revenir en haut