La Suisse enquête sur une affaire de corruption

Jeudi 7 juin 2007 — Dernier ajout mercredi 15 avril 2009

12 mai 2007 - 18:44

La Suisse enquête sur une affaire de corruption

Le Ministère public de la Confédération (MPC) mène l’enquête à Berne sur des allégations de corruption entourant un contrat d’armement du britannique BAE Systems.

Une porte-parole a confirmé que le MPC a ouvert une enquête judiciaire, précisant qu’aucun détail ne sera publié afin de ne pas nuire au bon déroulement de la procédure.

C’est un cas transmis par le Bureau fédéral de communication en matière de blanchiment d’argent qui est à l’origine des investigations, a précisé Jeannette Balmer, porte-parole du MPC.

L’enquête ouverte par la justice suisse sur l’affaire BAE Systems prend un caractère particulier, car l’enquête menée en Grande-Bretagne sur de présumés pots-de-vins versés à de hauts responsables saoudiens a été classée en décembre dernier sur ordre du gouvernement.

Le premier ministre Tony Blair avait alors fondé son intervention sur la défense des intérêts nationaux et le danger de porter de graves atteintes aux relations anglo-saoudiennes.

Caisse noire en Suisse

La procédure ouverte par le « Serious Fraud Office » (SFO) portait sur la création présumée d’une caisse noire dans des banques en Suisse. BAE Systems l’aurait dotée de quelque 145 millions de francs pour payer des pots-de-vin en vue de décrocher des contrats d’armement en Arabie Saoudite.

Suivant les soupçons avancés, de l’argent aurait également glissé dans les poches de membres de la famille royale saoudienne, selon la presse britannique. De son côté, la société d’armement a réfuté catégoriquement ces accusations.

Dans le cadre de l’accord « Al-Yamamah » conclu au milieu des années 80 entre l’Arabie Saoudite et la Grande-Bretagne, BAE Systems a reçu des commandes pour plusieurs milliards de francs. Cet accord est d’ailleurs le plus important jamais conclu en matière d’exportations dans ce pays.

Selon la presse, la décision de Tony Blair d’ordonner au SFO de classer l’enquête ferait suite à des menaces de l’Arabie Saoudite de renoncer à l’achat d’avions de combat Eurofighter, une affaire qui dépasse le milliard.

Entraide judiciaire

En juin 2006, le SFO avait demandé l’entraide judiciaire à la Suisse, ainsi que la remise de documents bancaires. Le MPC avait alors donné suite à la demande. La documentation relative aux comptes d’une dizaine de titulaires a été saisie mais les fonds, eux, n’ont pas été bloqués.

Les avocats genevois des intéressés ont contesté les conditions dans lesquelles la Suisse s’apprêtait à autoriser la venue d’enquêteurs britanniques. En novembre, le Tribunal fédéral leur a donné gain de cause, estimant insuffisantes les garanties de discrétion et de réserve présentées par les Anglais.

En décembre, après la décision du gouvernement britannique de clore l’enquête, le SFO avait suspendu sa demande, mais sans la retirer formellement.

Après s’être montré très évasif, le Ministère public a donc confirmé samedi qu’il est de son devoir d’enquêter sur des délits poursuivis d’office, comme de vérifier, dans chaque procédure d’entraide judiciaire, si une enquête séparée doit être ouverte pour des délits commis en Suisse.

Critiques à l’OCDE

La clôture de la procédure en Grande-Bretagne a provoqué de vives critiques en janvier au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

La convention contre la corruption élaborée sous l’égide de l’OCDE exclut en effet le classement de poursuites au nom de la raison d’Etat.

En mars, le groupe de travail ad hoc de l’OCDE, présidé par le juriste suisse Mark Pieth, avait annoncé qu’il allait continuer de creuser sur cette affaire. Un mois plus tard, le journal britannique « Guardian » faisait état de pressions de Londres pour que Mark Pieth soit relevé de son poste, à la grande « surprise » de celui-ci.

swissinfo et Balz Bruppacher à l’AP

CONTEXTE

Le « Serious Fraud Office » (SFO) a ouvert une quête sur la création présumée par BAE Systems d’une caisse noire dans des banques en Suisse de quelque 145 millions de francs pour payer des pots-de-vin en vue de décrocher des contrats d’armement en Arabie Saoudite.

En juin 2006, le SFO demande l’entraide judiciaire de la Suisse. La demande est acceptée par le Ministère public de la Confédération et la documentation relative aux comptes d’une dizaine de titulaires est saisie.

En novembre, les avocats des intéressés contestent la venue d’enquêteurs britanniques, emportant l’aval du Tribunal fédéral.

Londres ayant ordonné de classer l’enquête, en décembre, le SFO suspend sa demande à la Suisse, sans la retirer formellement.

En mai, l’enquête reprend en Suisse sur demande du Bureau fédéral de communication en matière de blanchiment d’argent.

LIENS

Communiqué de l’OCDE sur l’affaire BAE

Ministère public de la Confédération

Bureau fédéral de communication en matière de blanchiment d’argent

BAE Systems.

Mark Pieth (en anglais) (http://www.pieth.ch/)

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