La délinquance en maillot

Vendredi 7 octobre 2005 — Dernier ajout mardi 21 avril 2009

Journal l’Humanité

Rubrique Sports

Article paru dans l’édition du 7 octobre 2005.

Sports

La délinquance en maillot

Des perquisitions visant le siège français de l’équipementier Nike, à Saint-Ouen-l’Aumône, ont été menées, dans l’enquête sur les transferts douteux du Paris Saint-Germain.

On connaissait la délinquance en col blanc, il faudra s’habituer à la délinquance en maillot. Les moeurs financières du football français, apparentées à de la fraude fiscale, sont une fois de plus mises en lumière avec les perquisitions effectuées au siège de Nike France à Saint-Ouen-l’Aumône (Val-d’Oise) et dans une filiale destinée à la vente des produits du PSG, dans l’enceinte du Parc Princes, par les policiers de la division nationale des investigations financières (DNIF) sur commission rogatoire du juge Renaud van Ruymbeke.

Ces perquisitions sont la suite logique de l’autorisation donnée fin septembre aux juges van Ruymbeke et Desset, d’enquêter sur un système d’entente présumée entre Nike et le PSG, et destinée à payer moins de cotisations sociales.

L’affaire est née des conclusions d’un audit interne de Vivendi Universal, propriétaire du club via sa filiale Canal Plus et partie civile dans le dossier. Selon ce rapport d’audit, remis en mai dernier aux enquêteurs de la DNIF, un système illégal de rémunération complémentaire des joueurs aurait été mis en place par le PSG avec son parraineur Nike. L’équipementier prenait à sa charge des compléments de salaire, permettant au PSG de payer moins de charges sociales, et aux joueurs et cadres moins d’impôts. Nike, pour rentrer dans ses fonds, aurait de son côté facturé des « amendes » fictives au club pour non-respect des obligations du contrat à l’image.

Ajoutée à l’enquête sur des commissions occultes présumées versées à l’occasion de transferts de joueurs du PSG entre 1998 et 2003, cette nouvelle affaire jette une lumière crue sur la rémunération de joueurs comme de cadres. Selon le Journal du dimanche en effet, Vahid Halilhodzic aurait bénéficié, à hauteur de 20 000 euros par mois en droit d’image et contrat d’équipement, du système mis en place avec Nike.

Un ancien responsable financier du club, Rodolphe Albert, salarié du club entre 1997 et 2005, a corroboré ces accusations devant les enquêteurs et dans plusieurs interviews à la presse. Selon ses propos rapportés par le Figaro, « à partir de 1998, le club a fraudé le fisc et l’URSSAF pour un montant de près de 4 millions d’euros par an ». Rodolphe Albert fait l’objet d’une plainte de la part du PSG, lui reprochant d’avoir détourné des fonds à son profit en utilisant le chéquier du club. « Lui-même a participé à ce genre de pratiques », a, pour sa part, réagi l’avocat du PSG, Me Jean-Paul Lévy, comme si cela amoindrissait les accusations.

Les juges Renaud van Ruymbeke et Françoise Desset enquêtent depuis le début 2005 sur les malversations présumées à l’occasion de transferts de joueurs du PSG, et portant sur plusieurs dizaines de transferts. Ils ont, dans un premier temps, entendu comme témoins assistés les anciens présidents du club Michel Denisot, Charles Biétry, Laurent Perpère et Francis Graille. Ils ont ensuite procédé à des séries de perquisitions chez les agents de joueurs. Leur enquête a depuis été élargie à des montages suspects sur des transferts via un club partenaire du PSG, le Servette de Genève, qui a depuis été mis en faillite. Pour autant, en dehors de l’URSSAF directement intéressée à recouvrer son dû, l’affaire risque de ne pas aller loin : avec le vote l’an dernier par l’UMP d’une loi défiscalisant une partie du salaire des joueurs professionnels au titre du droit à l’image, ce qui était illégal est désormais autorisé, et a sans doute rendu le système caduc.

Lionel Venturini

Publié avec l’aimable autorisation du journal l’Humanité.

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Pour plus de précisions veuillez vous reporter aux rubriques suivantes :

1) l’interview de Denis Robert : le football est devenu une formidable machine à blanchir de l’argent ;

2) L’ouvrage de Denis Robert : « le milieu de terrain ».

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