La mafia napolitaine, acteur principal de la crise chronique des ordures

Mercredi 9 janvier 2008

09/01/2008 17:49

NAPLES (AFP) - La mafia napolitaine, acteur principal de la crise chronique des ordures

La crise chronique des ordures à Naples, qui connaît actuellement un énième épisode, est largement due à la mainmise de la mafia locale, la Camorra, sur la filière des déchets, que l’inaction des autorités n’a fait que renforcer.

"Cette crise est le fruit d’un triste mélange de corruption, qui atteint à Naples un niveau record, d’un climat d’impunité et de l’étonnante passivité de la société civile« , estime Massimiliano Marotta, avocat spécialisé dans le contentieux sur les déchets et membre de l’association de défense des droits des citoyens »Napoli Assise« . »La Camorra a compris que les déchets pouvaient rapporter une fortune et elle est présente à tous les maillons de la chaîne", poursuit-il.

Selon lui, "elle a infiltré de multiples sociétés gérant le ramassage et les centres de retraitement (CDR), où elle a fait embaucher ses membres et ses proches ou dont elle a directement pris le contrôle".

Les CDR, payés par les communes pour ramasser, trier puis compacter dans des lingots de plastique les déchets destinés à être brûlés, sont l’épicentre de la crise.

Ils ont produit des centaines de milliers de tonnes de lingots, mais la région ne dispose pas encore d’incinérateur pour les brûler, le premier devant être mis en route au plus tôt d’ici un an.

Faute d’être brûlés, ces déchets sont stockés dans des décharges, aujourd’hui saturées, voire dans les CDR, qui ont été fermés car ils étaient également pleins, ou encore dans des décharges sauvages aux mains de la mafia, qui se fait rémunérer.

Les déchets urbains s’y mêlent aux produits dangereux, sans aucun respect des normes. « Des substances toxiques, et même radioactives s’infiltrent dans le sol, créant un risque pour la santé », dénonce Giovanni de Medici, géologue.

"Une fois l’incinérateur achevé, ces lingots rapporteront encore plus à la Camorra. En les brûlant, les lingots créent du combustible, que l’Italie considère, selon une interprétation hasardeuse d’une norme européenne, comme une source d’énergie renouvelable, faisant l’objet d’aides d’Etat", explique Massimiliano Marotta.

« Les sociétés gérant les CDR, devraient donc recevoir des fonds pour produire ces lingots, qui sont pourtant de vraies bombes écologiques. C’est une situation surréaliste ! », poursuit-il.

"Or, dans les CDR, les déchets ne sont pas triés de façon réglementaire, et si les lingots étaient brûlés, ils libéreraient de la dioxine et des substances toxiques. Du coup, aucune autre région et aucun autre pays ne veut se charger de les brûler« , affirme Franco Specchio, »La Camorra est gagnante sur tous les plans et elle a même tout intérêt à ce que la crise perdure car elle fait payer le stockage dans les décharges illégales et le ramassage des ordures au prix fort", estime Francesco Iannello, membre de Napoli Assise.

Lorsque pour la première fois en 1994 a été décrétée « une situation d’urgence » pour les ordures avec la création d’un commissariat ad hoc pour régler le problème, plusieurs CDR infiltrés par la mafia ont été fermés, et des sociétés placées sous enquête.

"Mais les CDR ont rouvert comme par enchantement, continuant de produire ces lingots de déchets. Et aucune société n’a jamais été condamnée« , déplore Franco Specchio, communiste et ex-conseiller régional de Campanie, la région de Naples. »L’étendue de la mainmise de la mafia est impossible sans une complicité passive, voire active, des autorités", accuse M. Iannello.

Donati Piglionica, sénateur de gauche, secrétaire de la Commission parlementaire d’enquête sur les déchets, va plus loin, mettant en cause le commissariat même.

"Le commissariat a été infiltré par la Camorra, un sous-commissaire a été arrêté pour complicité avec la mafia", rappelle-t-il.

© AFP

Publié avec l’aimable autorisation de l’Agence France Presse.

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