« La position de Total en Birmanie revient à nier la volonté démocratique du peuple »

Mercredi 21 avril 2021

« La position de Total en Birmanie revient à nier la volonté démocratique du peuple » Tribune

Htwe Htwe Thein

Professeure d’économie internationale

La volonté du géant français de l’énergie de continuer à régler à l’Etat birman les impôts et les taxes découlant de sa production de gaz équivaut à une reconnaissance tacite du régime militaire, s’indigne, dans une tribune au « Monde », la professeure d’économie internationale Htwe Htwe Thein, née en Birmanie.

Publié aujourd’hui à 06h30

Tribune. La Birmanie est aujourd’hui au cœur de l’attention mondiale. Pas seulement à cause du coup d’Etat militaire qui a renversé un gouvernement démocratiquement élu, mais aussi en raison du courage de ses citoyens, qui continuent de réclamer le rétablissement de leurs libertés malgré les violences qu’ils subissent. Et l’attention se tourne à présent vers les entreprises internationales implantées dans le pays.

Dans une tribune publiée le 4 avril dans Le Journal du dimanche, le président-directeur général du groupe Total, Patrick Pouyanné, a expliqué que l’entreprise ne suspendrait pas sa production de gaz en Birmanie, et qu’elle paierait bien l’ensemble des impôts et des taxes dus à l’Etat birman. Cette annonce a provoqué déception et colère parmi les citoyens, conscients que les revenus provenant de la production de gaz fournissent à la junte militaire une source économique vitale.

Patrick Pouyanné reconnaît, à juste titre, l’urgence de la « crise » qui sévit en Birmanie. Mais sa réponse est insuffisante et intéressée. Le statu quo qu’il défend ne tient compte que des intérêts de Total, aucunement de la souffrance de la population birmane, et traduit un mépris envers les parlementaires légitimement et démocratiquement élus.

Le PDG de Total avance différents arguments au sujet des « dilemmes » du groupe « en matière de droits humains ». Le premier porte sur la question de savoir si Total doit continuer de payer ses impôts et taxes à un Etat désormais sous contrôle de la junte militaire. Il tente de justifier la décision prise de ne pas arrêter les paiements en expliquant que ne pas payer ses impôts et taxes est « un crime selon le droit local », et que cela « exposer[ait] les responsables de [la] filiale au risque d’être arrêtés et emprisonnés ».

Or, cette formulation implique que l’armée a un droit légitime à gouverner, à imposer les sociétés, et que, en quelque manière, les règles de droit s’appliquent au régime actuel. Rien n’est moins vrai.

Désobéissance civile

D’après le rapporteur spécial des Nations unies pour les droits de l’homme en Birmanie [Tom Andrews], les projets gaziers représentent près d’un milliard de dollars de recettes annuelles, et « la junte militaire illégalement au pouvoir en Birmanie pourra utiliser ces ressources pour financer son entreprise criminelle et les attaques qu’elle inflige à une population innocente ».

Le rapporteur spécial ainsi que plus de quatre cents organisations de la société civile birmane ont demandé que l’ensemble des revenus gaziers serve à des fins humanitaires, et que ces derniers soient versés sur un compte bloqué jusqu’à ce que le gouvernement démocratiquement élu soit rétabli. Lire la suite.

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