La sécurité négligée avant l’attentat de Karachi

Mercredi 20 avril 2022

Société Affaire Karachi

La sécurité négligée avant l’attentat de Karachi

La justice devrait réunir, vendredi 22 avril, les survivants et les proches des victimes de l’attentat du 8 mai 2002 pour faire le point sur le volet « sécurité » de cette enquête tentaculaire.

Par Béatrice Gurrey Publié aujourd’hui à 17h00

Vingt ans, bientôt. Vingt ans qu’ils traînent leurs carcasses cabossées et leurs cauchemars. Vingt ans que la morsure de l’absence tourmente les familles endeuillées. Et qu’ils attendent des actes de la part de la justice. Vendredi 22 avril, le juge David de Pas doit, selon nos informations, réunir les survivants et les proches des victimes de l’attentat du 8 mai 2002 à Karachi (Pakistan) pour faire le point sur le volet « sécurité » de cette enquête tentaculaire. Onze hommes de la Direction des constructions navales (DCN) avaient trouvé la mort et douze autres avaient été grièvement blessés dans l’explosion du bus qui les conduisait à la base navale où étaient assemblés quatre sous-marins français vendus au Pakistan.

Cet attentat aurait-il pu être évité ? Les signaux d’alarme ont-ils été perçus à leur juste niveau ? Les mesures de sécurité prises, dans le contexte très tendu de l’époque, étaient-elles suffisantes ? A l’évidence, la réponse à ces deux dernières questions est non. Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Lô (Manche) avait reconnu, en 2004, la « faute inexcusable » de la DCN, c’est-à-dire de l’Etat, un jugement confirmé trois ans plus tard par la cour d’appel de Rennes, ouvrant droit à des indemnités. Mais plusieurs victimes, représentées par Me Marie Dosé, qui souhaitent voir établies les responsabilités pénales dans ce dossier, ont porté plainte avec constitution de parties civiles en 2012. C’est cette enquête, tombée en déshérence après le départ réglementaire du juge Marc Trévidic, en 2015, qui revient sur le devant de la scène.

Le juge de Pas, coordonnateur du pôle antiterroriste au tribunal judiciaire de Paris, a entendu de nombreux témoins, parmi lesquels Yann B., en juillet 2021. Cet ancien militaire, longtemps « oreille d’or », l’homme chargé dans les sous-marins d’écouter et d’analyser les bruits extérieurs (sonars, bâtiments, etc.), et intégré à la « cellule de renseignements des activités spéciales », avait déjà travaillé, en 1998, sur l’armement du premier sous-marin Agosta. Quatre ans plus tard, il est rappelé par sa société, Défense conseil international, pour opérer sur le deuxième sous-marin. Le 1er mars 2002, le voici donc de retour à Karachi, dans le cadre d’un « groupement momentané d’entreprises » sous l’égide de la DCN.

La chronologie a son importance. A l’époque, les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis viennent d’ébranler le monde. Le Pakistan, réputé soutenir les talibans en Afghanistan, est un pays infesté de groupes terroristes divers. Les Américains somment les autorités de faire le ménage, un objectif auquel souscrit le président pakistanais, le général Pervez Musharraf. Yann B., lui, doit rentrer à Toulon, début mai, pour assurer une formation de représentants de la marine singapourienne. Trois semaines avant son départ, accompagné de Jérôme Eustache, un collègue qui travaille aussi sur les Agosta, il se rend dans l’agence de voyages à côté de l’hôtel Awari Towers, où sont logés les Français, pour acheter ses billets d’avion. Lire la suite.

Revenir en haut