Lasteyrie, l’aristo lésé parti à l’assaut

Mardi 8 mai 2007

Lasteyrie, l’aristo lésé parti à l’assaut

Finances

Actionnaire malchanceux de Rhodia, c’est en partie lui qui a porté l’affaire en justice.

Par Nicolas CORI

mardi 28 juin 2005 (Liberation - 06 :00)

Pour ses adversaires, c’est un maître chanteur. Lui aimerait se décrire comme un actionnaire floué, cherchant à récupérer son dû. Hughes de Lasteyrie du Saillant est le principal accusateur de l’affaire Rhodia, bataillant contre les « responsables de la déconfiture du groupe chimique ». Depuis la mort de son allié Edouard Stern, assassiné par sa maîtresse, il se retrouve pratiquement seul, avec, en face de lui, une bonne partie de l’establishment politico-financier parisien : de Jean-François Dehecq, PDG de Sanofi-Aventis, à Jean-René Fourtou, président du conseil de surveillance de Vivendi, en passant par Thierry Breton. Cela ne lui fait pas peur, même s’il affirme se sentir menacé. Il dit ainsi avoir la conviction que son téléphone est sur écoute.

Noble. Rien ne prédestinait cet homme de 56 ans à se comporter comme l’ennemi public n° 1 des grands patrons. Le comte de Lasteyrie est issu d’une vieille famille nobiliaire de serviteurs de l’Etat, ­ son grand-père a été ministre des Finances dans les années 20, lié aux familles Giscard d’Estaing et Chodron de Courcelle (Bernadette Chirac est sa lointaine cousine). Diplômé de Sciences-Po, il débute sa carrière dans la banque d’affaires, à la BNP puis chez Louis-Dreyfus. A partir des années 90, il s’exile à Bruxelles pour raisons fiscales et devient un financier à l’affût des bonnes affaires de la cote parisienne. Sa méthode ? Il s’invite dans le capital d’entreprises sous-évaluées, fait pression sur les dirigeants pour qu’ils vendent des actifs. Ce qui fait remonter le cours et lui permet de ressortir avec une plus-value.

En 2001, il investit dans Rhodia 50 millions d’euros, en pariant sur un rebond du titre (le cours est à 10 euros). Mal lui en prend. Les comptes de Rhodia plongent dans le rouge, jusqu’à frôler le dépôt de bilan fin 2003. Et l’action s’effondre juste au-dessus d’un euro. Pour tenter de rebondir, Lasteyrie s’allie avec Stern, qui a aussi investi dans Rhodia. Les deux financiers demandent d’abord la tête du PDG de l’époque, Jean-Pierre Tirouflet. Puis, en creusant les comptes, ils acquièrent la conviction que les chiffres sont faux.

Stratégie. A partir de 2003, le duo porte alors l’affaire sur le plan judiciaire. Lasteyrie assigne ainsi personnellement les ex-administrateurs de Rhodia (Breton et Fourtou notamment) pour leurs négligences. Et il porte plainte ut singuli (en lieu et place de Rhodia) pour récupérer 2,8 milliards d’euros auprès de l’ex-maison mère Rhône-Poulenc (devenue Sanofi-Aventis).

Jusqu’à début 2005, Lasteyrie agit discrètement. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La mort de Stern l’a fait changer de stratégie. Surtout, il s’est fait accuser par Xavier Musca, le directeur du Trésor, de chantage, après une entrevue. Selon Musca, Lasteyrie aurait menacé « de faire sauter la République » si Bercy ne faisait pas tous ses efforts pour que Sanofi l’indemnise de 40 millions d’euros. Lasteyrie dément. « Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas idiot pour m’adresser comme cela à un haut fonctionnaire », dit-il, en affichant un sourire.

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