Le Delaware, paradis fiscal « made in USA »

Dimanche 1er mai 2016

Le Delaware, paradis fiscal « made in USA »

Lucie Robequain / Correspondante à New York | Le 01/05 à 10:03

L’Etat américain du Delaware est devenu l’un des meilleurs endroits au monde pour créer une société fictive. Il échappe aux contraintes imposées récemment aux autres paradis fiscaux.

Le bâtiment est tellement triste qu’on le passe sans s’en apercevoir. Avec son auvent vert et ses vieux néons, on l’imagine bien abriter un club de bridge ou une maison de quartier. Erreur : il héberge en fait 300.000 entreprises, parmi les plus puissantes d’Amérique. Les géants de la Silicon Valley ( Apple, Google, etc. ) et de Wall Street (Bank of America, JP Morgan, etc.) y partagent une boîte aux lettres avec les marques les plus célèbres du pays (Coca-Cola, Ford, General Electric, Wal-Mart, etc.). Hillary Clinton et Donald Trump y ont également élu domicile. La première y a enregistré une société huit jours après avoir quitté l’administration Obama, pour y placer les millions de dollars amassés lors de ses conférences. Donald Trump, quant à lui, y « gère » ses activités immobilières. Sur les quelque 500 entreprises qu’il détient, 380 sont enregistrées dans le Delaware, dont beaucoup dans ce fameux bâtiment d’Orange Street, à Wilmington.

Ces entreprises n’y ont aucune activité – tout juste une adresse qui leur permet de réduire leurs impôts, et un agent chargé de les représenter. Ces agents sont employés par CT Corporation, un cabinet en tous points semblable au panaméen Mossack Fonseca, qui défraie la chronique depuis un mois. Après avoir accepté de nous expliquer tous les avantages que le Delaware pouvait offrir aux entreprises françaises, le cabinet a brutalement annulé l’interview.

Plus de sociétés que d’habitants

C’est que par les temps qui courent, le Delaware n’a pas grand intérêt à faire parler de lui : à mi-chemin entre New York et Washington, il s’agit d’un Etat qui a fait de l’évasion fiscale et de l’opacité son principal fonds de commerce. Fait incroyable, il compte désormais plus de sociétés (1,2 million) que d’habitants (950.000). La moitié des entreprises américaines cotées y sont enregistrées. On y retrouve deux tiers des 500 plus grands groupes du pays (Fortune 500) et des milliers de micro-sociétés ne comptant souvent aucun salarié.

La popularité du Delaware ne cesse de croître : quelque 180.000 entreprises l’ont rejoint l’an dernier (soit presque 500 par jour !), un record historique. « C’est l’un des plus grands paradis fiscaux du monde », résume John Kowalko, un élu local qui s’est mis à dos tous ses collègues à force de vouloir « nettoyer » la région. « Le gouvernement local assume d’ailleurs totalement cet état de fait, ajoute-t-il. l y a quelques années, il avait affiché : “Mieux que les îles Caïmans !” sur son site Internet. » Le slogan a disparu depuis.

En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/021891005093-le-delaware-paradis-fiscal-made-in-usa-1218640.php?Gc4rq1XLRJomjmQr.99

Revenir en haut