« Le Royaume-Uni garde la porte grande ouverte aux milliardaires sulfureux »

Mardi 22 mars 2022

« Le Royaume-Uni garde la porte grande ouverte aux milliardaires sulfureux »

Les sanctions britanniques contre les oligarques sont sévères. Mais la loi facilite la venue des riches étrangers dont l’origine de la fortune n’est pas claire, rappelle Eric Albert dans sa chronique.

Eric Albert Londres, correspondance Publié aujourd’hui à 03h45

Chronique. Un oligarque de perdu, dix milliardaires de retrouvés ? Après quelques semaines d’hésitations, le Royaume-Uni a fini par imposer des sanctions contre une longue liste de milliardaires russes, calquée sur celle préparée par l’Union européenne. Ce n’est pas rien. Le gouvernement britannique, critiqué depuis de si nombreuses années parce qu’il ferme les yeux sur l’origine de la fortune des oligarques installés à Londres, a agi fermement.

S’il s’agit peut-être de la fin de « Londongrad », le Royaume-Uni garde pourtant la porte grande ouverte aux milliardaires à la fortune sulfureuse. Il suffit de constater les profondes hésitations du gouvernement britannique pour durcir sa législation. En Angleterre et au Pays de Galles, il existe un registre public des propriétaires fonciers. Pour moins de 5 euros, il est possible de savoir qui possède n’importe quelle adresse à travers le pays. A une exception près, mais de taille : en toute légalité, il est possible de cacher son nom derrière une société-écran enregistrée à l’étranger. Bernard Arnault possédait ainsi une magnifique villa près de Londres en tout anonymat, jusqu’à ce que les « Paradise papers » le révèlent en 2017. C’est tout à fait autorisé, mais cela détruit la transparence recherchée avec ce registre. Les milliardaires du monde entier agissent de la même façon, y compris les moins recommandables. Au total, près de 100 000 « entreprises » possèdent ainsi des biens immobiliers. Dans l’arrondissement de Westminster, au cœur de Londres, ces sociétés-écrans représentent 8 % des propriétaires.

Dès 2016, David Cameron, alors premier ministre, avait promis de mettre fin à cette pratique, en créant un registre des propriétaires étrangers. Ses successeurs ont repris sa promesse. Pourtant, en janvier, après moult discussions, Boris Johnson a discrètement enterré le projet de loi. Il a fallu la guerre en Ukraine pour qu’il fasse volte-face. La « loi sur le crime économique » vient d’être votée en urgence au Parlement et elle prévoit le fameux registre. Il reste maintenant à voir sa mise en œuvre. Echaudés, les militants anticorruption craignent qu’il reste de nombreux contournements possibles.

Les petits arrangements de la City

Une autre loi – absolument pas discutée sur le plan politique – laisse sceptique sur la volonté britannique de s’attaquer à l’argent sale : l’existence des fameux « non-doms ». Ce statut concerne les étrangers qui résident au Royaume-Uni, mais qui sont « non domiciliés » pour leurs impôts. Concrètement, ceux-ci doivent déclarer l’ensemble de leurs revenus rapatriés au Royaume-Uni, mais ils n’ont pas à le faire pour leur fortune basée à l’étranger. Ce privilège exorbitant est l’une des raisons du succès de la City. Lire la suite.

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