Le « bateau-poison » soumis à de nouveaux tests en Estonie

Lundi 2 octobre 2006 — Dernier ajout mercredi 16 mai 2007

Pollution. Plusieurs enquêtes sont menées de front sur le « Probo-Koala ».

Le « bateau-poison » soumis à de nouveaux tests en Estonie

Par Sabine CESSOU

QUOTIDIEN : Lundi 2 octobre 2006 - 06:00

Amsterdam de notre correspondante

Le scandale des déchets toxiques déversés le 19 août en Côte-d’Ivoire continue de faire des vagues. Greenpeace a remporté une victoire en bloquant le cargo, le 25 septembre, au port de Paldiski, en Estonie.

Forte de 580 000 adhérents aux Pays-Bas, l’organisation écologique a réclamé une « véritable » enquête à bord. Et les autorités estoniennes, qui s’y étaient d’abord opposées, n’ont eu d’autre choix que de procéder à une perquisition, le 27 septembre, et d’interroger l’équipage russe.

Selon Eco Matser, chef de campagne pour Greenpeace à Amsterdam, « des documents se trouvent probablement sur le navire, qui vont permettre d’en savoir plus sur la nature et l’itinéraire de la cargaison mortelle du Probo Koala ». Le flou persiste encore sur la composition exacte de ces déchets pétroliers qui ont fait huit morts et intoxiqué des milliers de personnes en Côte-d’Ivoire. Une équipe de sept experts ivoiriens est aussi attendue aujourd’hui en Estonie.

De son côté, le néerlandais Trafigura dément avoir affrété un « bateau poison ». Sous le coup d’une enquête judiciaire aux Pays-Bas pour ses activités dans le cadre du scandale « pétrole contre nourriture », en Irak, cette société de trading est soupçonnée d’avoir fait du Probo Koala une raffinerie flottante. Citant des sources proches de l’enquête, le quotidien hollandais De Volkskrant a affirmé que du pétrole brut aurait été illégalement raffiné à bord.

Trafigura, dont deux directeurs français ont été arrêtés à Abidjan, assure que les déchets en cause ne sont rien que des « slops » ­ des eaux usées provenant du nettoyage des cuves du tanker. Ils n’étaient « pas toxiques », maintient le groupe, qui a lancé une « enquête indépendante ». Un échantillon a été prélevé par ses soins à Abidjan et analysé à ses frais par Saybolt, un labo privé de Rotterdam. Des résultats préliminaires ont été publiés le 25 septembre, qui « n’engagent pas » le laboratoire, mais indiquent que les déchets étaient inoffensifs.

L’enquête néerlandaise a déjà abouti aux conclusions inverses. Après analyse par les services nationaux d’expertise, il s’agit bien de « déchets chimiques », selon le parquet de La Haye.

En attendant les premières mises en examen, Greenpeace veut faire monter la pression. Son objectif : empêcher que de tels drames se reproduisent. « C’est trop facile pour les affréteurs des pays du Nord de se délester de leurs déchets à moindre coût dans les pays du Sud », estime Eco Matser.

Stavros Dimas, commissaire européen à l’Environnement, qui s’est déplacé à Paldiski le 28 septembre, a abondé dans son sens, rappelant que la moitié des déchets européens sont exportés illégalement. Pour Greenpeace et l’opposition travailliste, les responsabilités néerlandaises restent à établir. « Si toutes les autorités concernées avaient fait leur travail, le Probo Koala n’aurait jamais dû reprendre la mer », affirme Diederik Samsom, un député travailliste. Un fonctionnaire chargé de la surveillance de l’environnement à la mairie d’Amsterdam a été inculpé pour avoir délivré une autorisation de complaisance qui a permis au Probo Koala de repomper ses déchets, pratique inhabituelle, et de quitter Amsterdam.

Les diverses instances en cause se renvoient la balle. La mairie se défend : ses services savaient que les déchets du Probo Koala étaient suspects, de même que l’inspection environnementale et la justice néerlandaise, qui avait déjà ouvert une enquête. Marijke Vos, maire adjointe d’Amsterdam, a fait des excuses après avoir affirmé qu’elle n’avait pas « les moyens juridiques » d’arrêter le Probo Koala.

La justice néerlandaise a répondu que si elle avait été consultée elle aurait ordonné un embargo.

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