Le chantier naval de La Ciotat peine à se faire payer les frais d’immobilisation d’un yacht

Lundi 4 avril 2022

Le chantier naval de La Ciotat peine à se faire payer les frais d’immobilisation d’un yacht

reuters.com | 04/04/2022, 13:36 | 667 mots

LA CIOTAT (Reuters) - Le chantier naval de La Ciotat, dans les Bouches-du-Rhône, dresse les factures liées aux frais d’amarrage du superyacht Amore Vero, mais il ne sait pas à qui les adresser.

Long de 86 mètres (282 pieds), le navire a été immobilisé par la douane française alors que son équipage s’apprêtait à quitter le port dans la nuit du 2 mars, deux jours après que l’Union européenne a placé l’oligarque russe Igor Setchine, patron du groupe pétrolier russe Rosneft, sur la liste des personnalités visées par les sanctions suite à l’invasion d’Ukraine.

Selon le ministère français de l’Economie, le yacht appartient à une société contrôlée par Igor Setchine, un allié de longue date du président russe Vladimir Poutine, et entre dans le champ des mesures de gel décidées à l’encontre de son propriétaire.

Le ministère a toutefois refusé de divulguer le nom de l’entreprise concernée, tandis que Igor Setchine a démenti l’information dans une déclaration envoyée à Reuters par Rosneft.

Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a déclaré que la France avait officiellement saisi l’Amore Vero - une mesure qui, selon les autorités françaises, confie à l’État la garde du yacht, tout en laissant les frais à la charge du propriétaire.

Mais les autorités n’ont pas informé les parties tierces sur le statut du navire, ce qui ne permet pas, selon deux entreprises impliquées dans la maintenance, de savoir qui est responsable de son entretien.

Et tandis que les factures s’accumulent, un cadre du chantier naval a dit que l’entreprise ne savait comment se faire payer.

« Nous continuons à facturer », a déclaré une porte-parole du chantier naval qui, à la question de savoir qui paierait les factures, a répondu : « Nous ne savons pas ».

La porte-parole a refusé de répondre à d’autres questions et la douane française n’a pas voulu commenter les raisons pour lesquelles elle le chantier naval n’avait pas été informé sur le statut du yacht.

Les questions autour de l’Amore Vero illustrent les difficultés auxquelles sont confrontées les autorités lorsqu’elles s’attaquent aux biens des proches et soutiens de Vladimir Poutine.

DIFFICULTÉS À DÉTERMINER LA PROPRIÉTÉ

Certains yachts appartenant à des personnes visées par les sanctions sont amarrés dans des lieux sûrs - comme les navires Eclipse et Solaris du milliardaire Roman Abramovich, qui ont jeté l’ancre en Turquie - ou naviguent dans les eaux internationales et échappent donc à la juridiction des États qui imposent des sanctions.

L’Amore Vero a été intercepté sur le chantier naval de La Ciotat, où il devait faire l’objet de réparations, lorsque les sanctions ont été imposées, a indiqué Bruno Le Maire.

Selon le ministre, les autorités n’ont pas simplement « gelé » l’Amore Vero, mais l’ont saisi parce que sa tentative de quitter le port était contraire au régime de sanctions de l’UE et à la législation française.

Selon l’avocat spécialiste de droit maritime, Pascal Flot, les difficultés à déterminer la propriété des mégayachts pourraient être l’une des raisons pour lesquelles les autorités françaises n’ont pas notifié le statut du yacht à des tiers, les oligarques contrôlant souvent leurs actifs par le biais d’un réseau de sociétés écrans dans des paradis fiscaux.

L’Amore Vero navigue sous pavillon des îles Caïmans.

En France et en Espagne, les frais d’entretien d’un yacht « gelé » ou saisi restent à la charge du propriétaire.

Cependant, en raison du blocage des comptes bancaires dans le cadre des sanctions européennes, les personnes concernées sont souvent dans l’incapacité d’effectuer le paiement, a déclaré Rachel Lynch, du syndicat Nautilus International.

(Reportage Layli Foroudi à La Ciotat, Jonathan Saul à Londres, Aislinn Laing à Madrid, Alasdair Pal à Male ; avec la contribution de Catarina Demony à Lisbonne et Corina Pons et Joan Faus à Madrid, rédigé par Richard Loughm version française Diana Mandiá, édité par Matthieu Protard)

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