« Mauritius Leaks » : l’île qui siphonne les rentrées fiscales de l’Afrique

Mardi 23 juillet 2019 — Dernier ajout mercredi 24 juillet 2019

« Mauritius Leaks » : l’île qui siphonne les rentrées fiscales de l’Afrique

Voyage dans les lacis de l’évasion et de l’optimisation qui coûtent chaque année au continent 50 milliards de dollars, selon l’OCDE.

Par Joan Tilouine Publié aujourd’hui à 11h51, mis à jour à 11h52

Rock, philanthropie et business, le trio gagnant ? Pour le chanteur irlandais Bob Geldof, l’Afrique c’est tout ça à la fois. Si le continent s’est longtemps résumé pour lui à des tragédies, c’est surtout devenu un territoire « d’extraordinaires opportunités d’affaires et d’investissements », selon ses dires.

L’aventure commence en 1985 alors que la famine sévit en Ethiopie. Mué en militant, l’ancien leader des Boomtown Rats réunit en juillet une poignée d’amis rockeurs pour un concert de charité, Live Aid, retransmis sur les télévisions du monde entier, qui rapporte 212,5 millions de dollars (190 millions d’euros) de dons. La reine Elisabeth II l’anoblit l’année suivante.

Mais « Sir Bob » va changer de rhétorique au fil des ans. Plutôt que « sauver l’Afrique », il s’inquiète de « contribuer au développement économique » du continent. Pour ce faire, l’ancienne rock star cofonde à Londres en 2012 un fonds de « private-equity », 8 Miles, qu’il préside sans en assurer la gestion. Le rockeur ambitionne d’investir près de 224 millions de dollars dans des sociétés africaines d’agrobusiness, de santé, d’éducation ou encore d’immobilier et de télécommunications. Et si 8 Miles communique volontiers sur les vertus environnementales et sociales de ses prises de participations – de 15 % à 45 % dans des sociétés africaines – pour un montant total de près de 150 millions de dollars, s’il insiste sur sa volonté d’« améliorer la transparence, la prise de décision et la responsabilisation », le groupe de Bob Geldof communique moins sur le fait qu’il opère depuis Maurice, plateforme décomplexée de la finance « offshore ».

Sociétés-écrans

A Port-Louis, capitale de cette île africaine de l’océan Indien, les tours de verre ont poussé ces dernières décennies, aussi vite qu’ont flétri les champs de canne désertés par une jeunesse qui a bien compris que le sucre, longtemps la principale ressource du pays, ne représente plus que 1 % du PIB contre 50 % pour le secteur financier. Dans le quartier d’affaires, Cyber City, multinationales, entreprises africaines et investisseurs du monde entier disposent de boîtes aux lettres, de sociétés-écrans et autres sièges sociaux virtuels, à défaut de bureaux et d’employés. Tous profitent là de la stabilité politique de cette République de 1,3 million d’habitants aux avantages fiscaux et au secret garanti par les cabinets de conseil, les banques et le gouvernement. Lire la suite.

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