Optimisation fiscale : pourquoi la France change de stratégie face à Google

Mardi 25 juillet 2017

Optimisation fiscale : pourquoi la France change de stratégie face à Google

Le Parisien / Economie|Sébastian Compagnon|25 juillet 2017, 13h02|

Le ministre Gérald Darmanin a ouvert la porte à une transaction afin de récupérer une partie du redressement d’1,1 milliard d’euros annulé par la justice. Ce tournant montre les carences des règles fiscales en vigueur.

C’est un constat d’échec. Dans la bataille que se livrent l’administration fiscale et Google depuis des mois, le ministre de l’Action et des Comptes publics a opté pour une nouvelle stratégie. Dans un entretien aux Echos publié ce mardi, Gérald Darmanin ouvre la voie à une transaction négociée pour mettre fin à un contentieux qui dure depuis des années.

Jusqu’ici, les gouvernements français avaient toujours exclu de recourir à une solution négociée. Mais l’échec d’une demi-décennie de poursuites judiciaires a révélé les limites des règles actuelles pour lutter efficacement contre l’optimisation fiscale.

Un gros revers pour le fisc

Malgré une longue enquête et des perquisitions menées au siège parisien de Google, le tribunal administratif de Paris a annulé, le 12 juillet, un redressement fiscal d’1,115 milliard. Les magistrats ont donné raison au géant californien, qui considère qu’il n’a pas à déclarer ses bénéfices en France puisqu’il vend de la publicité sur le marché français via sa filiale irlandaise Google Ireland Limited (GIL).

En France, Google s’acquitterait d’environ 7 millions d’euros d’impôts annuels. Le fisc français a tâché de prouver que cette somme était sans rapport avec les ventes réelles d’annonces publicitaires sur le marché national. Des perquisitions ont été menées en mais 2016 au siège de Google France, où travaillent 700 personnes. Sans succès. En définitive, Google et ses juristes ont réussi à convaincre le tribunal qu’ils respectaient à la lettre la loi française et la convention fiscale qui lie la France et l’Irlande.

La firme de Mountain View (Californie) a en effet établi son siège européen en Irlande, pays disposant d’une des fiscalités sur les bénéfices des sociétés parmi les plus basses de l’UE (12,5%). Cette articulation entre filiales indépendantes lui permet de ne pas disposer « d’établissement stable » en France aux yeux du droit, et de s’acquitter d’un impôt sans rapport avec l’activité réelle réalisée dans l’Hexagone.

« Il vaut mieux un bon accord qu’un mauvais procès »

Ce gros revers pousse Bercy à revoir sa stratégie. « Nous ne sommes pas hostiles au principe d’un accord transactionnel, qui est une possibilité offerte par notre droit fiscal », déclare Gérald Darmanin dans Les Echos. « Il vaut mieux un bon accord qu’un mauvais procès », ajoute-t-il. Le ministre a toutefois réitéré l’intention de l’Etat de faire appel de la décision du tribunal administratif, « parce que c’est important pour nos finances publiques, mais c’est aussi une question de principe ».

Gérald Darmanin ouvre ainsi la voie à un accord avec Google, à l’instar de qui a été pratiqué en Italie et au Royaume-Uni. Outre-Manche, cet accord a été très critiqué puisqu’il a permis à Google de s’en sortir avec seulement 130 millions de livres d’arriérés d’impôts à payer (145 millions d’euros). Une goutte d’eau rapportée aux « 4,6 milliards de livres (5,14 milliards d’euros) de ventes réalisées au Royaume-Uni », estime The Guardian. En Italie, le fisc a accepté de mettre fin au contentieux contre 306 millions d’euros.

Des règles fiscales à réinventer

En France, comme en Italie ou en Grande-Bretagne, l’optimisation fiscale pratiquée par Google montre les carences des règles en vigueur, dépassées par l’ingéniosité des multinationales du numérique. Faut-il créer de nouveaux outils réglementaires ? « La réponse sera avant tout européenne, répond Gérald Darmanin. Il faut faire avancer l’initiative franco-allemande, à laquelle travaille Bruno Le Maire (le ministre de l’Economie et des Finances, ndlr), pour progresser dans la lutte contre l’optimisation fiscale, qui crée de la défiance, à l’heure où nous demandons des efforts à tous ». ire la suite.

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