« Probo Koala » : début de l’attaque judiciaire

Samedi 28 octobre 2006 — Dernier ajout mercredi 16 mai 2007

Pollution.

« Probo Koala » : début de l’attaque judiciaire

10 millions d’euros exigés de l’affréteur du navire.

Par Sabine CESSOU

QUOTIDIEN : samedi 28 octobre 2006

Amsterdam de notre correspondante

Bob Van der Goen, avocat néerlandais de renom, a demandé le 24 octobre un dédommagement de 10 millions d’euros à Trafigura, l’affréteur du navire grec Probo Koala à l’origine d’une catastrophe écologique dans la banlieue d’Abidjan.

L’avocat a donné deux semaines à cette multinationale basée à Londres, Lausanne et Amsterdam pour répondre à sa demande. « Il s’agit d’une avance sur un montant définitif qui sera plus élevé », affirme-t-il.

Symptômes. Bob Van der Goen, mandaté par des confrères ivoiriens, a fixé la somme de 10 millions d’euros de manière « arbitraire », explique-t-il à Libération. « Il y a besoin d’argent, et vite, pour faire une enquête immédiate à Abidjan sur l’état de santé des victimes. » Son principal objectif : établir un lien de causalité entre les symptômes des centaines d’habitants et les déchets toxiques vidangés le 19 août, puis disséminés à travers 18 décharges publiques de la ville. Bob Van der Goen veut aussi faire procéder à l’autopsie des 10 morts attribués aux déchets. Il entend récolter des éléments à charge en vue d’un procès qui paraît désormais inéluctable « à moins que Trafigura n’accepte de négocier un dédommagement à l’amiable ».

Bob Van der Goen, qui a travaillé sur le scandale du crash aérien d’Amsterdam, ne cesse de comparer les deux affaires. « Le gouvernement néerlandais avait trop tardé à ordonner une enquête sanitaire », rappelle-t-il. Le 4 octobre 1992, un 747 de la compagnie israélienne El-Al s’était écrasé sur la banlieue d’Amsterdam, faisant 51 morts. Dans les années qui ont suivi, près de 200 personnes résidant sur les lieux de la catastrophe se sont plaintes de maladies respiratoires et de dépression. Après une enquête parlementaire, en 1998, il est apparu que la cargaison transportée par l’avion ne comportait pas des fleurs et des parfums, comme l’avaient indiqué les autorités néerlandaises, mais au moins un produit destiné à la fabrication d’une arme chimique par Tel-Aviv.

La conférence de presse donnée, le 18 octobre, à Londres par Eric de Turckheim, le patron de Trafigura, n’a fait que conforter Bob Van der Goen dans sa démarche. Après avoir nié pendant deux mois la toxicité des déchets déversés à Abidjan, Eric de Turckheim a reconnu qu’une opération de transformation de naphte avait bien eu lieu à bord du Probo Koala, en pleine mer, quelques semaines avant le désastre. Les déchets présentés, début juillet, comme des eaux usées au port d’Amsterdam, lors d’une escale du bateau, avaient déjà été trouvés anormalement pollués, après analyse. Le Probo Koala n’en avait pas moins repompé sa cargaison à bord, en toute illégalité, et repris sa route.

« Responsabilité ». Désormais convaincu « à 100 %» de la responsabilité de Trafigura, Bob Van der Goen a écrit au Premier ministre néerlandais. « Il parle sans cesse de défendre des valeurs morales, affirme l’avocat. Voilà une bonne occasion de passer à la pratique, en finançant une opération de dépistage des séquelles sanitaires de la catastrophe. »

L’opposition travailliste souhaite aussi que le gouvernement mette la main à la poche. Elle a demandé à La Haye 500 000 euros d’aide pour les victimes, tout en critiquant l’idée de Pieter van Geel, secrétaire d’Etat à l’Environnement, de créer un fonds européen pour couvrir le coût de pareilles catastrophes. « Les Pays-Bas ont une responsabilité morale dans cette affaire, a déclaré le député européen Max Van den Berg. Ils ne peuvent pas se permettre de faire la quête en Europe. »

© Libération

Publié avec l’aimable autorisation du journal Libération.

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