Réserve

Mardi 20 juin 2017

Réserve

Billets a évoqué à plusieurs reprises (n° 16, 18, 20) la surmortalité affectant les coopérants français en Guinée équatoriale.

Un « coulage » inouï - au profit d’une dictature ubuesque et d’une caricature de la mafia françafricaine - suscitait chez eux une curiosité excessive : ils auraient dû ne pas voir le pillage de l’aide sanitaire, les trafics d’armes et de drogue, le blanchiment des narcodollars, la formation d’une milice ethnique, le stockage de déchets nucléaires,…

Après les assassinats d’André Branger et du chirurgien Gérard Desgranges, le successeur de ce dernier, Abdoulaye Keita - pourtant prévenu par des périodes de coopération aux Comores et au Gabon - aurait pu se taire. Il ne l’a pas fait, devant l’état de l’hôpital de Bata où il était censé opérer sans eau potable ni électricité.

Objet, lui et sa famille, de tentatives d’empoisonnement, menacé par des membres du SCTIP (la coopération policière chère à Pasqua, et au contribuable), il a pu s’échapper in extremis en septembre dernier.

La rue Monsieur vient de le licencier sans indemnités, pour fautes graves : « manquements à l’obligation de discrétion professionnelle par la divulgation informations dont il a eu connaissance […] et au devoir de réserve ». Autrement dit, le statut de coopérant français dispense de l’assistance à malades en danger et de la dénonciation des crimes. Quant au devoir de « réserve », il évoque celui qui assignait à leurs enclos les Indiens d’Amérique, en attendant que flingueurs ou épidémies ne les achèvent.

Billets d’Afrique et d’ailleurs n° 24 - juillet 1995 - Revue mensuelle de l’association Survie

Source de cet article.

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