Rester en Russie, le pari contesté de TotalEnergies

Mardi 15 mars 2022

Économie Guerre en Ukraine

Rester en Russie, le pari contesté de TotalEnergies

« De l’eldorado au bourbier, l’aventure russe des grands groupes français » (2/5). Si les autres majors ont annoncé leur départ de Russie, l’entreprise dirigée par Patrick Pouyanné reste dans le pays, où elle a tissé de très forts liens avec des oligarques proches du pouvoir.

Par Adrien Pécout et Nabil Wakim Publié aujourd’hui à 05h13, mis à jour à 08h00

En ce jour de décembre 2017, en descendant de l’un de ses jets sur la piste glacée du minuscule aéroport de Sabetta, dans le nord de la péninsule russe de Yamal, le PDG de Total, Patrick Pouyanné, a de quoi se réjouir. Il s’apprête à inaugurer un projet gigantesque, unique au monde : une usine de liquéfaction de gaz dans l’Arctique russe, à 4 000 kilomètres de Moscou, depuis laquelle de gigantesques navires méthaniers brise-glace achemineront leur cargaison vers l’Europe et l’Asie.

Un projet à 22,5 milliards d’euros, réalisé par Total et son partenaire russe Novatek, avec l’ingénierie française du groupe TechnipFMC. Un projet, surtout, financé par des banques chinoises pour contourner les sanctions américaines contre la Russie après l’annexion illégale de la Crimée ukrainienne par Moscou en 2014.

Sous un dôme clinquant bâti pour l’occasion, le président russe, Vladimir Poutine, vient lui-même inaugurer le départ du premier chargement de gaz vers l’Europe. « Ce projet assure le futur de la Russie », lance-t-il. Et il souligne : « Le navire qui va quitter Yamal porte le nom de notre grand ami Christophe de Margerie, c’est très triste qu’il ne soit pas ici avec nous. » L’ancien PDG de Total, mort en 2014 dans un accident d’avion à l’aéroport de Moscou, est mis à l’honneur : sur la proue du méthanier qui porte son nom, les Russes ont peint deux énormes moustaches, celles qu’arborait fièrement le défunt patron.

C’est lui qui avait construit, depuis 2011, des liens solides avec deux hommes, qui sont justement au premier rang lors de l’inauguration de Yamal, aux côtés d’une brochette d’oligarques. Guennadi Timtchenko, réputé être un ancien du KGB, proche depuis trente ans de Vladimir Poutine – devenu l’une des plus grandes fortunes de Russie grâce au commerce du pétrole ; et Leonid Mikhelson, patron de la société gazière privée Novatek, qui s’est fait un plaisir de venir prendre dans ses bras la délégation de Total – il offre même son bonnet au patron de la branche gaz de la compagnie, pour faire face aux températures qui peuvent descendre dans cette région à – 40 °C. A la fin de son discours, Vladimir Poutine est invité par l’ancien ministre Jean-Pierre Chevènement, transporté opportunément sur place par Total, à rejoindre Patrick Pouyanné.

« Pas de nouveaux investissements »

Yamal, symbole de la présence de Total en Russie, est l’une des raisons majeures pour lesquelles le groupe se refuse aujourd’hui à imiter ses rivales occidentales. Depuis le 24 février, alors que les autres majors ont annoncé leur départ, l’entreprise française se contente d’assurer qu’elle n’y fera pas de nouveaux investissements. Et s’en tient à cette ligne : nous appliquerons les sanctions, si et seulement si elles s’appliquent à nous. Lire la suite.

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