« Rien n’empêche les Etats de taxer les grandes fortunes d’aujourd’hui »

Jeudi 6 février 2020

Idées Économie mondiale

« Rien n’empêche les Etats de taxer les grandes fortunes d’aujourd’hui » : découvrez des extraits du livre de Gabriel Zucman et Emmanuel Saez

En exclusivité, des réflexions sur les inégalités et la fiscalité extraites du livre « Le Triomphe de l’injustice » des économistes Gabriel Zucman et Emmanuel Saez.

Publié aujourd’hui à 15h27, mis à jour à 15h35

Il est très rare que des intellectuels français aient une influence sur une campagne présidentielle américaine. Emmanuel Saez, professeur d’économie, directeur du Center for Equitable Growth de l’université de Californie à Berkeley, et Gabriel Zucman, professeur d’économie à Berkeley, ont fait irruption dans les débats aux Etats-Unis sur les inégalités et la fiscalité, repris notamment par la sénatrice Elizabeth Warren, candidate pour les primaires démocrates. Ils publient en français « Le Triomphe de l’injustice » (Seuil, 304 pages, 22 euros, parution le 13 février) dont « Le Monde » publie des extraits.

Tout le monde en convient : le système économique contemporain laisse au bord de la route une partie croissante des classes moyennes et populaires. Ce sentiment d’abandon s’exprime avec une vigueur particulière aux Etats-Unis, et l’on comprend aisément pourquoi. Les revenus des classes ouvrières américaines, en effet, ont stagné depuis le début des années 1980 ; l’espérance de vie décline depuis le milieu des années 2010 ; les ultra-riches s’acquittent de taux d’imposition qui sont désormais inférieurs à ceux des classes moyennes ; et, à la suite de l’explosion des frais d’inscription à l’université, les jeunes adultes entrent dans la vie active lestés de dettes.

En Europe, les inégalités n’ont certes jusqu’à présent pas augmenté aussi fortement qu’aux Etats-Unis, mais attendre que la situation se détériore autant de ce côté-ci de l’Atlantique pour agir serait une grave erreur. Du Brexit au mouvement des « gilets jaunes », en passant par l’émergence de nouveaux partis d’extrême droite dans des régions où ils étaient quasiment absents jusqu’au milieu des années 2010 (telles l’Espagne et l’Allemagne de l’Est), le mécontentement des électeurs face à la montée des inégalités économiques et géographiques est palpable.

De fait, l’injustice fiscale – c’est-à-dire le déclin de la progressivité des impôts, dans un contexte de montée des hautes rémunérations et d’explosion des grandes fortunes – n’est en rien spécifique aux Etats-Unis : c’est un phénomène mondial, aux manifestations politiques protéiformes. A l’origine, par exemple, le mouvement des « gilets jaunes » apparu à la fin de l’année 2018 peut se lire comme une révolte fiscale contre un pouvoir politique qui, venant d’abolir l’impôt de solidarité sur la fortune, cherchait à compenser le manque à gagner par une imposition accrue des carburants. Lire la suite.

Revenir en haut