Royaume-Uni : Le « Big Four » de l’audit doit rendre des comptes

Dimanche 25 novembre 2018

Royaume-Uni Le « Big Four » de l’audit doit rendre des comptes

Deloitte, EY, KPMG, PwC, quatre groupes internationaux régnant sans partage ou presque sur les audits et conseils aux entreprise écopent d’amendes et d’enquêtes.

Des années après l’affaire Enron, les géants de l’audit sont à nouveau montrés du doigt au Royaume-Uni après une série de scandales qui a mis sur la sellette le tout puissant « Big Four ». Deloitte, EY, KPMG, PwC ont vu leur image écornée en raison du rôle trouble qu’ils ont joué dans de récentes faillites d’entreprises.

Deloitte, EY, KPMG, PwC, ces quatre groupes internationaux règnent sans partage ou presque sur le conseil aux entreprises, évoluant comme un véritable oligopole peu connu du grand public. Ces cabinets accompagnent au quotidien les patrons et autres directions financières, avec une large palette d’activité, allant du conseil en stratégie à l’audit. Projet d’acquisitions, restructurations, question fiscale, problèmes comptables, rien ne leur échappe.

Leur domination est écrasante dans l’audit des comptes des sociétés cotées, dont ils sont censés attester la sincérité et l’exactitude, assurant un rôle majeur dans la transparence du monde économique.

« Les entreprises ont besoin de plaire aux marchés financiers et avoir un badge du Big Four est un moyen très simple d’y arriver. Ces aspects symboliques sont très importants », explique à l’AFP Crawford Spence, professeur de comptabilité au King’s College de Londres.

Enquêtes et amendes

Selon le régulateur du secteur, le Financial Reporting Council (FRC), ils contrôlent à eux quatre l’audit de plus de 95% du FTSE 350, l’indice regroupant les plus grandes entreprises cotées à la Bourse de Londres.

PwC a écopé d’une amende de 6,5 millions de livres, la plus lourde jamais imposée par le FRC, pour des défaillances dans l’évaluation des comptes de la chaîne de grands magasins BHS avant sa faillite en 2016. KPMG fait lui l’objet d’une enquête pour son examen des finances du groupe de construction Carillion qui s’est effondré en début d’année.

La réputation du secteur n’avait plus été mise à si rude épreuve depuis le scandale de la faillite du courtier américain en énergie Enron en 2001. La débâcle avait alors entraîné la chute du cabinet Andersen, membre du « Big Five ».

Le débat porte désormais sur la possible confusion des genres pour ces cabinets qui valideraient parfois trop facilement les comptes d’entreprises auxquelles ils fournissent par ailleurs des conseils rémunérés. Signe d’une prise de conscience, le FRC est désormais plus sourcilleux sur le travail du « Big Four » après avoir été critiqué par un comité parlementaire comme étant « inutile » et « édenté ».

Séparer le conseil de l’audit

La puissante autorité de la concurrence, la CMA, a pour sa part ouvert une enquête à la demande expresse du gouvernement. De premières conclusions sont attendues avant Noël. De nombreuses voix se sont élevées, notamment au sein du Parti Travailliste et dans le milieu universitaire, pour demander une scission de ces cabinets, avec une séparation des activités d’audit et celles de conseil.

Cette proposition suscite l’opposition du secteur, mais KPMG a annoncé qu’il cesserait de proposer ses services de conseils à des entreprises du FTSE 350 dont il audite les comptes. D’autres solutions sont avancées comme la mise en place d’une limite aux nombres de clients ou l’obligation de désigner plusieurs auditeurs, comme c’est le cas en France.

Mais selon le professeur de comptabilité Crawford Spence, cette mesure, loin de faire respirer le marché, a eu l’effet pervers d’accroître le poids du « Big Four » dans le CAC 40. Car l’objectif in fine serait d’améliorer la qualité du travail d’audit, un enjeu qui va au-delà des quatre géants.

Pour preuve, le cabinet Grant Thornton, qui évolue dans l’ombre des grands, fait l’objet d’une enquête du FRC à propos de son audit de la chaîne Patisserie Valerie. Celle-ci a frôlé la faillite à cause de trous inexpliqués dans ses comptes.

Pour M. Crawford, le principal problème est celui du manque d’indépendance. « Tant que la direction d’une entreprise nomme et paye les auditeurs, les mêmes conflits d’intérêt vont émerger. Ce qui est nécessaire c’est que les auditeurs soient nommés par un panel d’actionnaires ou d’autres parties prenantes », suggère-t-il.

(ats/nxp)

Créé : 25.11.2018, 11h25

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