Scandale autour de Karim Keïta, fils de l’ex-président malien « IBK »

Jeudi 23 juin 2022

Le Monde Afrique Mali

Scandale autour de Karim Keïta, fils de l’ex-président malien « IBK »

Par Morgane Le Cam Publié aujourd’hui à 02h47, mis à jour à 09h20

Enquête Karim Keïta, le fils du président malien renversé en 2020, vit désormais en Côte d’Ivoire. La justice de son pays le soupçonne d’avoir joué un rôle dans la disparition, en 2016, d’un journaliste. « Le Monde » dévoile des éléments inédits sur ce dossier qui pourrait être lié à une affaire financière dans le secteur de l’armement. Karim Keïta, lui, conteste les accusations portées à son encontre.

Le jet-setteur a disparu des carrés « VIP » des boîtes de nuit… Sous les cocotiers bordant la lagune Ebrié, en Côte d’Ivoire, pays où il a fui au lendemain du coup d’Etat d’août 2020 qui, au Mali voisin, a destitué son père, les dîners en petit comité, à l’abri des regards indiscrets, ont remplacé les fastueuses soirées d’autrefois.

Karim Keïta, le fils de l’ex-président malien Ibrahim Boubacar Keïta, alias « IBK » (décédé en janvier 2022), a dû changer son quotidien, ces derniers mois. Finie, l’opulence ostentatoire des années de toute-puissance, qui lui valurent le surnom d’« enfant terrible de la République ». « Fais-toi oublier Karim », l’a supplié son entourage, à l’été 2021, quand la justice de son pays a émis un mandat d’arrêt à son encontre.

L’affaire qui lui vaut ces poursuites commence comme un polar, le 29 janvier 2016, avec la disparition d’un journaliste de l’hebdomadaire Le Sphinx, Birama Touré. Dans les mois suivants, la capitale, Bamako, bruisse de rumeurs, la presse locale s’empare de l’histoire : Birama Touré, 50 ans, aurait été enlevé et assassiné par des agents de la direction générale de la sécurité d’Etat (DGSE) malienne. Les soupçons convergent vers un commanditaire supposé : Karim Keïta, connu pour la mainmise qu’il exerce alors sur un pan des services secrets.

La piste du chantage

Même si le corps de leur confrère n’a jamais été retrouvé, les journalistes chargés de l’affaire y voient l’ombre d’une histoire de chantage : informé d’une liaison que le fils du président aurait entretenue avec la femme d’un de ses influents amis, Birama Touré aurait tenté de le faire chanter. « Laisse-moi m’en occuper, sinon il continuera à te réclamer de l’argent », aurait suggéré à Karim Keïta un de ses proches, agent à la DGSE. Autrement dit, le journaliste gênant aurait été éliminé pour protéger l’« enfant terrible de la République ».

« C’est ce qu’on nous a raconté pour nous dérouter du vrai dossier, objecte aujourd’hui Aziz, un lanceur d’alerte malien, dont Le Monde a changé le prénom pour des raisons de sécurité. En réalité, Birama Touré était sur un coup qui n’avait rien à voir avec une quelconque liaison. S’il avait sorti ses informations, la chute du régime aurait été précipitée. »

De fait, derrière le probable assassinat pourrait se cacher un scandale majeur de l’ère IBK (2013-2020)… Pendant dix mois, Le Monde a enquêté sur cette affaire que l’Etat malien tente d’étouffer depuis six ans. Il ressort de ces investigations qu’entre 2013 et 2020, des dizaines de milliards de francs CFA destinés, en théorie, à financer l’équipement d’une armée en débandade face aux groupes terroristes ont été détournés. Lire la suite.

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