Slovaquie : le commanditaire présumé du meurtre d’un journaliste enfin devant la justice

Jeudi 19 décembre 2019

Slovaquie : le commanditaire présumé du meurtre d’un journaliste enfin devant la justice

Par L’Obs avec AFP Publié le 19 décembre 2019 à 05h20

Bratislava (AFP) - Longtemps attendu, le procès de l’homme d’affaires slovaque Marian Kocner, accusé d’avoir ordonné l’assassinat du journaliste d’investigation Jan Kuciak, s’ouvre jeudi à Bratislava.

« Un collège de trois magistrats, présidé par la juge Ruzena Sabova, entamera jeudi la procédure préliminaire concernant les chefs d’accusation dans l’affaire des meurtres du journaliste Jan Kuciak et de sa fiancée Martina Kusnirova », a annoncé mercredi la Cour pénale spéciale dans un communiqué.

Kuciak enquêtait sur la corruption et plus précisément sur les activités d’affaires de Kocner, entrepreneur millionnaire et promoteur immobilier, quand il a été tué avec sa fiancée dans ce qui avait été décrit comme une exécution de type mafieux, en février 2018.

Le double meurtre a déclenché des manifestations de masse contre le gouvernement de Robert Fico, qui a fini par démissionner. Le mouvement a ouvert la voie à l’élection à la présidence slovaque de l’avocate libérale et militante anti-corruption Zuzana Caputova, en mars dernier.

Kocner, 56 ans, qui fait l’objet d’autres poursuites pour des opérations financières suspectes et fraude fiscale, était connu pour son hostilité à l’égard des journalistes qu’il avait coutume d’insulter et menacer.

En 2017, il avait affirmé lors d’une conférence de presse qu’il allait créer un site web publiant des détails sur la vie privée des journalistes, selon le quotidien SME.

Il a menacé Kuciak et sa famille lors d’une conversation téléphonique dont l’enregistrement a été publié par le portail aktuality.sk, le média pour lequel avait travaillé le journaliste assassiné.

  • « Aucune saleté » -

Il est maintenant accusé d’avoir ordonné le meurtre de Kuciak. Jeudi, le tribunal examinera ce chef d’inculpation et la légalité des preuves à charge. A moins de découvrir de sérieuses erreurs de procédure, ce qui ferait renvoyer le dossier au parquet, il fixera la date du début de l’examen sur le fond.

Le parquet avait inculpé cinq personnes, dont Kocner et une femme, son ex-interprète Alena Zs. L’un des trois autres suspects, Zoltan A., qui aurait agi comme intermédiaire avec les deux exécutants matériels du crime, a conclu un accord avec les enquêteurs, accord qui doit être encore validé par la cour.

L’acte d’accusation, qui compte 93 pages, a fait l’objet de fuites dans les médias. Selon ces derniers, il révèle que Kocner, ne trouvant « aucune saleté » pour discréditer le journaliste gênant, a fini par « décider de s’en défaire physiquement et empêcher ainsi de nouvelles révélations sur ses activités ».

« S’il est reconnu coupable, il risque entre 25 ans de prison et la perpétuité », a indiqué à l’AFP Jana Tokolyova, porte-parole du bureau du procureur spécial.

L’enquête sur le meurtre a révélé aussi que Kocner échangeait des milliers de mails avec d’importants responsables du gouvernement et du parti au pouvoir Smer-SD.

L’ancien Premier ministre Robert Fico a reproché à l’opposition et aux médias de mettre en relief les liens entre sa formation et Kocner, accusant les journalistes de mener « une sorte de jihad ». Fico reste chef de son parti et son influence politique demeure importante, selon les médias.

Mais selon un analyste politique indépendant de Bratislava, Pavol Babos, « Robert Fico est en train de perdre le potentiel pour former une coalition » à l’approche des législatives prévues en février.

« Je ne peux pas m’imaginer de parti politique entrant dans une coalition avec le Smer-SD », a-t-il dit à l’AFP.

Le soutien pour ce parti est tombé à 20%, mais il est toujours possible qu’il arrive en tête des élections.

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