Sulfureux paradis

Mercredi 27 février 2008

Edito du Monde

Sulfureux paradis

LE MONDE | 27.02.08 | 14h59 • Mis à jour le 27.02.08 | 14h59

Extraits d’un article mis en ligne sur le site du journal Le Monde

Chaque jour, le scandale de l’évasion fiscale vers le Liechtenstein s’étend. La liste des fraudeurs, qui ne concernait au départ que l’Allemagne, touche aujourd’hui une dizaine de pays, dont la France, la Grande-Bretagne, la Suède, mais aussi des pays non européens comme l’Australie ou les Etats-Unis. Rien d’étonnant. Comme le disait Georges Pompidou : « Tout impôt comporte en lui-même une incitation à la fraude. »

Est-ce une raison pour accepter les paradis fiscaux ? En aucune façon. Certains penseurs libéraux estiment que ces paradis ont le mérite d’inciter les autres Etats à réduire leurs impôts. C’est exactement l’inverse. Comme le prouve la liste des Etats concernés par le scandale actuel, même des pays où l’impôt sur le revenu est faible sont concernés. En appauvrissant les autres Etats, les paradis fiscaux poussent au contraire ceux-ci à accroître leur pression fiscale.

En raison de la libre circulation des capitaux au niveau mondial, le phénomène est devenu planétaire. On compterait aujourd’hui plus de soixante-dix paradis fiscaux, et le Liechtenstein considère qu’il est en concurrence avec Hongkong ou les Bermudes.

Après le 11 septembre 2001, les paradis fiscaux ont été perçus comme des plaques tournantes des activités finançant le terrorisme. Evasion fiscale et blanchiment d’argent sont deux réalités différentes. Il n’empêche que, dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de pratiques frauduleuses facilitées par l’opacité qui caractérise les paradis fiscaux.

Le tableau n’est pourtant pas aussi sombre qu’il y paraît. Le scandale actuel montre que les Etats européens sont prêts à employer de grands moyens - y compris payer des informateurs - pour juguler le phénomène.

Dans ce rapport de forces permanent, des pays comme l’Allemagne ne manquent pas de moyens de pression. Les Etats-Unis ont, dès l’an 2000, obtenu d’importantes dérogations au secret bancaire suisse. Encore faut-il le vouloir. Comme le note le sénateur Jean Arthuis, ancien ministre des finances, en tant que coprince d’Andorre, le président de la République française n’est-il pas, ès qualités, à la tête d’un paradis fiscal ?

Article paru dans l’édition du 28.02.08

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