Syrie : un cadre français de Lafarge mis en examen

Vendredi 1er décembre 2017

Syrie : un cadre français de Lafarge mis en examen

Trois cadres du cimentier français étaient présentés à un juge vendredi, soupçonnés d’avoir financé de façon indirecte des groupes djihadistes en Syrie.

Source AFP Modifié le 01/12/2017 à 15:46 - Publié le 01/12/2017 à 15:23 | Le Point.fr

Un des trois cadres du groupe cimentier français Lafarge présentés vendredi 1er décembre à des juges, Frédéric jolibois, a été mis en examen pour « financement d’une entreprise terroriste », comme l’a annoncé son avocat. Ces trois cadres sont en effet soupçonnés d’avoir indirectement financé des organisations djihadistes, dont le groupe État islamique, afin de permettre au groupe de poursuivre ses activités en Syrie malgré la guerre. Bruno Pescheux, directeur de l’usine de 2008 à 2014, Frédéric Jolibois, qui avait repris la direction du site à partir de l’été 2014, et Jean-Claude Veillard, directeur sûreté chez Lafarge, étaient entendus depuis mercredi dans les locaux du Service national de douane judiciaire (SNDJ). Il s’agissait des premières gardes à vue dans cette enquête conduite par un juge antiterroriste et deux magistrats du pôle financier.

Le parquet de Paris avait requis le placement en détention provisoire de Bruno Pescheux et le placement sous contrôle judiciaire de MM. Jolibois et Veillard. Frédéric Jolibois, directeur de la cimenterie de Lafarge en Syrie à partir de l’été 2014, a finalement été mis en examen pour « financement d’une entreprise terroriste », « violation du règlement européen » concernant l’embargo sur le pétrole syrien et « mise en danger de la vie d’autrui », a précisé à l’Agence France-Presse son avocat Jean Reinhart. Le dossier est hors norme : le groupe, qui a fusionné en 2015 avec le Suisse Holcim, est soupçonné d’avoir pactisé avec l’organisation d’Abou Bakr al-Baghdadi, derrière les attentats les plus meurtriers commis en France ces dernières années, pour continuer à faire fonctionner en 2013 et 2014 son usine de Jalabiya (nord de la Syrie). Lafarge est soupçonné d’avoir fait transmettre de l’argent à l’EI en échange de l’obtention de laissez-passer pour ses employés et de s’être, sous couvert de faux contrats de consultants, approvisionné en pétrole auprès de l’organisation, qui avait pris le contrôle de la majorité des réserves stratégiques du pays à partir de juin 2013.

Des versements allant de 80 000 à 100 000 dollars par mois

Entendu une première fois début 2017 par les douanes judiciaires, Frédéric Jolibois avait reconnu avoir acheté du pétrole à « des organisations non gouvernementales » notamment kurdes ou islamistes, en violation de l’embargo décrété par l’Union européenne en 2011. Bruno Pescheux avait pour sa part confirmé des versements litigieux. Pour permettre à ses employés de continuer à venir travailler sur le site, la branche syrienne du groupe (Lafarge Cement Syria, LCS) versait « de 80 000 à 100 000 dollars » par mois à un intermédiaire, Firas Tlass, ex-actionnaire minoritaire de l’usine, qui ventilait ensuite les fonds entre différentes factions armées, d’après l’ex-directeur. Cela représentait pour l’EI « de l’ordre de 20 000 dollars », selon lui.

L’enquête s’attache aussi à déterminer si le groupe a tout fait pour assurer la sécurité de ses employés syriens, restés seuls sur place alors que la direction de l’usine avait quitté Damas pour Le Caire à l’été 2012 et que, quelques mois plus tard, les expatriés avaient été évacués par vagues successives. Les investigations se sont accélérées ces dernières semaines. Trois ex-employés syriens ont été entendus par les juges fin septembre et une vaste perquisition a été menée les 14 et 15 novembre au siège du cimentier à Paris.

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