Tax Havens. How Globalization Really Works

Mercredi 31 mars 2010

Tax Havens. How Globalization Really Works

Par Ronen Palan, Richard Murphy et Christian Chavagneux

Cornell University Press, 2010, 208 p., 19,20 euros.

Trois spécialistes de la question rassemblent leurs compétences et leurs analyses pour signer un livre de référence sur les paradis fiscaux.

Une série de chiffres issus d’un travail original d’analyse permet d’abord de prendre la mesure du phénomène des paradis fiscaux. Pour n’en citer qu’un, selon l’administration financière des îles Caïmans, cette juridiction compte sur son territoire 8 000 banques, sociétés d’assurances et fonds spéculatifs qui emploient seulement… 5 400 personnes !

Au bénéfice des riches

Un paradis fiscal est une juridiction qui se caractérise par trois éléments clés : un régime fiscal ultrafavorable réservé aux non-résidents, un secret bancaire et une absence de sanctions que ce soit par l’intermédiaire du système judiciaire local ou via la coopération internationale. Conséquence de ces régimes fiscaux, les grandes entreprises ont pu réduire massivement leur taux d’imposition mondial en plaçant des actifs dans ces territoires. Ainsi, en 2006, alors que le taux de croissance y était de 3%, un tiers des plus grandes compagnies du Royaume-Uni n’avaient payé aucun impôt sur les bénéfices grâce à l’optimisation fiscale. Les paradis fiscaux sont donc au cOeur de la capacité des multinationales, et des superriches, de distordre les gains de la mondialisation à leur bénéfice.

Cache-cache

De plus, comme le montre l’ouvrage de manière originale, ces paradis permettent aux acteurs financiers de cacher leurs prises de risque et leurs montages comptables "exotiques". Les grandes faillites de la dernière décennie (LTCM, Enron, Northern Rock…) sont toutes liées de très près aux paradis fiscaux. Dans quelques pages dignes d’un bon polar, les auteurs décortiquent les outils utilisés pour faire de l’évasion fiscale. L’un des principaux est le statut d’International Business Corporation (IBC) : anonymat garanti au propriétaire, aucune obligation de comptabilité, un droit d’enregistrement autour de 500 dollars et une totale « interopératibilité » entre paradis fiscaux. Hongkong compte 500 000 IBC et les îles Caïmans plus de 60 000 !

Et maintenant, que faire ? Ce n’est pas le moindre mérite du livre que de recenser les différentes ripostes politiques et d’en montrer les intérêts et les limites. En Europe, la directive épargne mise en Œuvre en 2005 permet de limiter l’évasion des revenus de l’épargne des personnes physiques. Mais elle a été en partie contournée : comme la directive ne concerne pas les personnes morales, il suffit de créer un trust à Jersey pour la contourner et bénéficier de l’anonymat garanti par ce statut juridique. Par ailleurs, depuis plusieurs années, la Commission a dans ses tiroirs un projet d’assiette fiscale commune pour l’impôt sur les sociétés afin de lutter contre les prix de transfert. Mais José Manuel Barroso en a pour l’instant bloqué la mise en Œuvre. Reste « la » question : les grands Etats qui possèdent tous « leurs » paradis fiscaux (Andorre et Monaco pour la France, le Delaware pour les Etats-Unis, Macao pour la Chine…) vont-ils considérer que les inconvénients l’emportent sur les bénéfices ? Les auteurs restent d’un optimisme prudent…

Pascal Canfin, député européen Europe Ecologie | Alternatives Economiques n° 290 - avril 2010

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