Un blogueur chinois sur les traces des camps de rééducation du Xinjiang

Vendredi 26 novembre 2021

International Répression des Ouïgours

Un blogueur chinois sur les traces des camps de rééducation du Xinjiang

Guanguan a diffusé une vidéo de vingt minutes dans laquelle il identifie plus d’une quinzaine de lieux de détention où sont internés des Ouïgours dans la région autonome du nord-ouest de la Chine.

Par Simon Leplâtre (Shanghaï, correspondance) Publié hier à 18h25, mis à jour hier à 21h22

C’est une vidéo simple, mais efficace : Guanguan, comme se fait appeler ce youtubeur chinois, se filme au Xinjiang, sur les traces des camps de rééducation dont il a entendu parler dans les médias occidentaux. D’après les décomptes d’ONG et de chercheurs, plus d’un million de membres de la minorité musulmane des Ouïgours ont été internés depuis 2017 dans des « camps de rééducation », bientôt renommés « centres de formation professionnelle ». En 2020, il décide d’aller voir lui-même : « A cause des restrictions du gouvernement chinois, il est très difficile pour les journalistes étrangers de mener des reportages et des interviews au Xinjiang. Alors je me suis dit : les journalistes étrangers ne peuvent pas y aller, mais moi, je peux ! », explique le blogueur, la trentaine, cheveux longs, dans un segment introductif.

Dans les faits, contrairement au Tibet, les journalistes étrangers ont la possibilité de se rendre au Xinjiang, mais il est effectivement difficile d’y mener des enquêtes sans être rapidement limité par la police. Guanguan, lui, peut se faire passer pour un touriste et parcourir la région autonome du nord-ouest de la Chine. Et voilà le « vloguer » (blogueur vidéo) en route, avec un objectif : se rendre sur les points GPS identifiés par des chercheurs, où se trouveraient des camps de rééducation, centres de détention ou prisons. Pour ce faire, Guanguan se fonde notamment sur les coordonnées GPS de 260 lieux de détention répertoriés par une enquête du média américain Buzzfeed, récompensé par le prix Pulitzer en 2021. Ces recherches mixent images satellites et informations collectées en ligne pour identifier ces lieux dont beaucoup n’apparaissent pas sur les cartes chinoises.

« Crimes contre l’humanité »

A Hami, ville connue pour ses melons située à l’ouest d’Urumqi, la capitale régionale, Guanguan est contrôlé en quittant l’autoroute, et s’étonne de voir un deuxième checkpoint sur une route de campagne. Mais la police, occupée à contrôler un camion, ne s’intéresse pas à son véhicule venu d’une autre province et conduit par un Han, l’ethnie majoritaire en Chine. Il s’arrête au bord d’un champ de coton en fleurs, à proximité d’un bâtiment gris qu’il filme grâce à un puissant zoom. Mais, sans s’en approcher, il ne peut en confirmer la nature.

Plus loin, il dépasse un camp de désintoxication forcée pour toxicomanes, avec barreaux aux fenêtres et fils de fer barbelés, puis le Centre de détention n° 13, selon la plaque métallique à l’entrée du bâtiment. Le lendemain, dans le Comté autonome kazakh de Mori, Guanguan filme un centre de détention, entouré de hauts murs et de miradors, et un « centre d’éducation et de formation professionnelle agricole ». Les murs d’enceinte sont aussi surmontés de barbelés. Lire la suite.

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