Une mémoire connectée pour ne pas oublier le génocide khmer rouge

Lundi 31 juillet 2017

Une mémoire connectée pour ne pas oublier le génocide khmer rouge

Crimes contre l’humanité Une application mobile a été lancée pour aider les jeunes Cambodgiens à appréhender l’ampleur de la tragédie.

Tablette numérique en main, Marina fait défiler les pages, avant de cliquer sur une vidéo où des travailleurs vêtus de pyjamas noirs s’activent dans une rizière. L’étudiante de 21 ans est venue découvrir l’application mobile L’histoire des Khmers rouges lors de son inauguration, la semaine dernière à Phnom Penh. Les deux premières versions, en khmer et anglais, sont disponibles en téléchargement gratuit sur Android et iOS.

Créée par le centre de ressources audiovisuelles Bophana, l’application se décompose en huit chapitres, couvrant l’ensemble du sanguinaire régime qui, de 1975 à 1979, fit près de deux millions de morts, soit un quart de la population. Elle met en valeur des milliers d’archives : photos, vidéos, clips sonores et documents. « Ce projet répond au processus de guérison. Si une page reste blanche, comment la tourner ? pointe le cinéaste Rithy Panh, fondateur de Bophana. Cette application pourrait jouer le rôle d’un grand monument qui nous libérerait de la peine. »

Au Musée du génocide de Tuol Sleng, l’emblématique prison où périrent jusqu’à 20 000 personnes, moins de 7% des visiteurs étaient des étudiants en 2015-2016, d’après le responsable de l’établissement. « Les jeunes ne font pas le déplacement ; ils ne sont pas encouragés par leurs parents, certains craignent ce lieu qu’ils imaginent hanté, et il n’y a rien de très interactif », détaille Chhay Visoth.

L’application pourrait combler ce fossé et être utilisée comme un outil pédagogique complémentaire dans ce pays où les jeunes ne lisent plus ou peu mais sont de plus en plus connectés : un tiers des 15-24 ans a accès à Internet et utilise un média social. Aujourd’hui, 70% de la population a moins de 30 ans, une génération qui n’a pas connu les Khmers rouges. « Un déni collectif des atrocités passées est même parfois observé chez les jeunes », précise le document de présentation de l’application. S’il est parfois difficile pour ces jeunes d’appréhender l’ampleur de la tragédie, c’est parce que cette histoire représente encore un traumatisme dans la société. Le chapitre des Khmers rouges n’est entré dans les programmes scolaires qu’en 2009, année d’ouverture du procès international, circonscrit aux principaux leaders du mouvement.

Au sein de leurs familles, les jeunes n’ont parfois connu que silence ou récits lacunaires. « Plus jeune, je ne m’intéressais pas vraiment à ça, ma mère était réticente à m’en parler. Mais quand j’ai pris le temps de lui poser des questions, elle m’a raconté son combat pour survivre », relate Soviet, animateur dans une ONG d’éducation, qui compte utiliser l’application auprès de ses élèves. Lire la suite.

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