Van Ruymbeke réprimandé ?

Jeudi 25 octobre 2007 — Dernier ajout vendredi 26 octobre 2007

Jeudi 25 Octobre 2007

Van Ruymbeke réprimandé ?

Par Marianne ENAULT (avec Reuters)

leJDD.fr

Le représentant du ministère de la Justice a choisi sa sanction contre le juge d’instruction Renaud van Ruymbeke mis en cause en marge de l’affaire Clearstream : il propose au Conseil supérieur de la magistrature de lui infliger une réprimande. Mais les juges du CSM ne sont pas tenus de suivre son avis. Le magistrat risque la révocation. Affaire à suivre.

Le Directeur des services judiciaires du ministère de la Justice, Léonard Bernard de la Gatinais, a finalement choisi la sanction minimale prévue par la loi dans l’affaire Van Ruymbeke. Selon le haut fonctionnaire, le juge d’instruction a « manqué à ses devoirs de loyauté envers ses collègues et violé le secret professionnel ». Le magistrat est mis en cause en marge du dossier Clearstream : il aurait usé de méthodes contestées par sa hiérarchie. Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) n’est pas tenu de suivre l’avis du représentant de la place Vendôme.

Dans cette histoire, la carrière de Renaud Van Ruymbeke, 55 ans, est en jeu : il risque jusqu’à la révocation. Mais le magistrat peut compter sur le soutien du corps judiciaire. Bruno Thouzellier, président de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire) et Emmanuelle Perreux, présidente du Syndicat de la magistrature (gauche) se sont déplacés à l’audience pour témoigner en sa faveur. Le juge antiterroriste Gilbert Thiel, l’avocat général Philippe Bilger, la juge financière Xavière Simeoni et plusieurs autres figures de la magistrature étaient présents, ainsi que des avocats réputés, tels Olivier Metzner et Henri Leclerc. Un texte signé par 100 magistrats européens a également été publié jeudi par Libération.

Lors de l’audience, le magistrat, connu pour avoir mené à bien quelques unes des enquêtes pénales les plus médiatiques ces dernières années - financement occulte du Parti socialiste, détournements de fonds à Elf, le meurtre de la Britannique Caroline Dickinson en 1996 - a expliqué sa déception de voir sa probité professionnelle remise en question. « J’ai toujours agi par devoir, je n’ai jamais transigé avec l’indépendance, j’ai toujours instruit comme j’ai cru devoir le faire même quand je me suis heurté à ma hiérarchie (…) j’ai toujours agi dans un cadre légal », a-t-il expliqué, la voix chargée d’émotion.

« Je suis poursuivi par le ministre »

A la barre, le juge a fait remarquer que les poursuites avaient été engagées en février 2007 par l’ancien ministre UMP de la Justice, Pascal Clément. Il s’estime donc victime d’une décision politique destinée en partie, selon lui, à occulter le dossier des frégates de Taiwan. Cette affaire porte sur des fonds de corruption versés en marge d’une vente de frégates militaires par Thomson à Taiwan, en 1991. « Si je suis ici aujourd’hui, c’est parce que je suis poursuivi par le ministre. (…) Je comprends que le pouvoir politique n’aie pas envie qu’on parle de l’affaire des frégates », a dit Renaud Van Ruymbeke.

A l’origine de cette audience disciplinaire : un « manquement aux obligations de prudence et de rigueur » en 2004, quand Renaud Van Ruymbeke a rencontré, hors de tout cadre procédural, le dirigeant d’EADS Jean-Louis Gergorin, le corbeau de l’affaire Clearstream. Ce dernier prétendait être en mesure de lui donner la clé de l’affaire des frégates, en lui donnant accès à des listings de comptes bancaires occultes de la société luxembourgeoise sur lesquels figuraient les noms de plusieurs personnalités, dont Nicolas Sarkozy. Le juge avait alors, à sa demande, intégré ces informations dans son dossier sous forme de courriers prétendument anonymes. Mais les listings se sont révélés être des faux. Il lui est également reproché de ne pas avoir parlé de Jean-Louis Gergorin à la juge Dominique de Talancé, co-saisie avec lui du dossier des frégates, et surtout aux juges Jean-Marie d’Huy et Henri Pons, qui enquêtaient sur les plaintes pour « dénonciation calomnieuse » déposées par les personnes nommées dans ces fameux listings. Renaud Van Ruymbeke a toujours affirmé que ces méthodes étaient parfaitement légales. Le Conseil supérieur de la magistrature devrait mettre sa décision en délibéré.

2007 © Le Journal du Dimanche

Publié avec l’aimable autorisation du Journal du Dimanche.

Visitez le site du Journal du Dimanche.

Revenir en haut