Mon enquête dit la vérité

Mercredi 17 mai 2006 — Dernier ajout dimanche 3 juin 2007

Mon enquête dit la vérité

Rebonds

L’auteur de « Révélation$ », sur le système Clearstream, répond aux accusations de manipulations.

Par Denis ROBERT.

mercredi 17 mai 2006

Denis Robert journaliste, écrivain.

Je suis dans l’œil du cyclone depuis quelques semaines. Ce n’est pas un choix de ma part. C’est ainsi. Depuis qu’Imad Lahoud est venu me voir à Metz, j’ai constamment observé, cherchant la vérité dans cet imbroglio où les intérêts des uns et des autres s’imbriquent et se heurtent tellement que tout le monde s’y perd. Imad Lahoud (lire également page 3) s’est présenté à moi comme un broker. Je lui ai remis le listing Clearstream 2001 parce qu’il me l’a demandé pour éclairer un dossier (où il se disait victime) et parce qu’il m’a proposé de m’aider à avancer dans mon enquête. Je prépare un livre sur le sujet, je suis dans une logique de journaliste et d’écrivain. J’ai compris plus tard qu’il travaillait pour la DGSE, les services étant intéressés par le rôle éventuel joué par Clearstream dans la dissimulation de diverses transactions liées au terrorisme.

Un rapport sortira de ce travail, montrant, une fois de plus, le rôle de cette entreprise dans l’opacification des transactions financières. La presse en a fait état, accréditant ainsi ce que j’explique depuis longtemps.

J’ai remis ce même listing, qui a servi de base aux lettres du corbeau, à Ernest Backes, contrairement à ce que ce dernier affirme dans Libération du 13 mai. Ernest, coauteur avec moi de mon premier livre sur Clearstream (Révélation$, les Arènes, 2001), détenait déjà un listing 2000 où les mêmes noms propres apparaissaient (Gomez, Martinez, mais avec d’autres prénoms). Le détail est important et démontrable, car je n’ai bien évidemment jamais ajouté d’autres noms dans ce listing. Il ne figurait à l’époque aucun nom d’hommes politiques ou d’industriels ou de vedettes du show-biz. Je ne suis l’auteur d’aucune lettre, d’aucune enveloppe et ne suis en rien lié à ces manipulations.

Ernest Backes, qui en a été l’un des cadres fondateurs, a quitté la firme en 1982. Il m’a permis de comprendre au début de mon enquête le fonctionnement de ce qui s’appelait alors Cedel et qui deviendra Clearstream. D’habitude, les auteurs ne mettent pas le nom de leur source sur la couverture de leur livre. Je l’ai fait, lui cédant la moitié des droits.

Nos destins se sont ensuite séparés. Ernest Backes n’a pas accepté que j’aie voulu rencontrer d’autres informateurs et prendre d’autres contacts. J’ai écrit un second tome de mon enquête, la Boîte noire, en 2002, où il n’était plus qu’un protagoniste parmi d’autres, à son grand dam. Il vit également sous la pression des procédures harassantes de Clearstream et de la magistrature luxembourgeoise, qui lui conseille de prendre ses distances avec moi.

Dans Libération du 13 mai, il minimise en effet à dessein le rôle de Régis Hempel, vice-président de Clearstream dont il était le responsable informatique, avec plus de 150 informaticiens de haut niveau sous ses ordres. Quand Régis Hempel explique devant la mission parlementaire ou les tribunaux français, sous serment, qu’il était chargé d’effacer les traces de transactions financières portant, quotidiennement, sur plusieurs dizaines de millions de dollars, il est crédible. Clearstream a tenté de l’empêcher de parler en portant plainte pour infraction au devoir de réserve (et non pour diffamation). La firme a perdu en première instance et fait appel. Cet élément est fondamental pour qui s’intéresse à l’affaire Clearstream 1 ou 2. C’est ce contact avec Hempel que cherchait d’abord Imad Lahoud.

Je ne savais pas que le juge Van Ruymbeke avait vu Jean-Louis Gergorin avant l’envoi des lettres. Je l’ai appris en lisant le Canard enchaîné. De même, je n’ai jamais dit que Lahoud m’avait confié que le corbeau était Rondot, puis Juillet. Il m’avait dit qu’il avait pour contact, référent, protecteur, ces deux pontes des services secrets. Quant aux listes originelles qui ont servi de base à mes livres, elles n’ont jamais été remises en cause par Clearstream. Les tribunaux ont, à plusieurs reprises, estimé mon enquête suffisamment sérieuse pour ne pas me condamner du chef de diffamation quand j’ai mis en cause la multinationale et son système de transfert de valeurs.

Si le système Clearstream est légal, son dévoiement est évident. Ce sont ses clients, et parmi eux des particuliers, qui blanchissent ou noircissent des fonds. Clearstream ne blanchit pas, c’est un outil idéal pour dissimuler et effacer les traces entre clients. La nuance est de taille. Et le ou les corbeaux l’ont bien compris. Toutes ces manipulations, c’est l’évidence aujourd’hui, n’ont pu exister que parce que mon enquête est solide. C’est là que malheureusement j’interviens.

© Libération

Publié avec l’aimable autorisation du journal Libération.

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Pour plus de précision visitez le blog de Denis Robert : la domination du monde.

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