L’étrange oligarque d’Arsenal

Dimanche 16 septembre 2007 — Dernier ajout dimanche 30 septembre 2007

Dimanche 16 Septembre 2007

L’étrange oligarque d’Arsenal

Par Alban TRAQUET

Le Journal du Dimanche

Un nouvel homme fort a fait son apparition dans l’organigramme du club d’Arsenal. Précédé d’une réputation sulfureuse, à l’instar de son compatriote Roman Abramomvitch, Alicher Ousmanov s’est emparé pour 110 millions d’euros le 30 août de près de 15% des actions du club des Gunners. Retour sur le parcours tortueux de cet homme d’affaires aux multiples activités.

Ce magnat de l’acier à la sombre allure d’apparatchik est le nouveau milliardaire russe du football anglais. Depuis le 30 août, Alicher Bourkhanovitch Ousmanov, 54 ans, est copropriétaire de 14,58 % des actions d’Arsenal. Ousmanov, classé 18e fortune de Russie - 142e mondiale - selon le magazine Forbes, a racheté les parts de l’ancien vice-président du club londonien, David Dein (proche de l’entraîneur Arsène Wenger), démissionnaire du board des Gunners en avril. La transaction, estimée à 110 Meuros, a été effectuée via la société Red and White Holdings Ltd, qu’il codétient avec Farhad Moshiri, un homme d’affaire britannique d’origine iranienne. En contrepartie, Dein a été propulsé président de Red and White. « Arsenal est un club à l’énorme potentiel et nous envisageons d’y accroître nos investissements afin de contribuer à son développement dans le futur », a expliqué Moshiri, qui réfute pour l’instant toute ambition de reprise.

Ousmanov, fils d’un procureur de Tachkent (Ouzbékistan), est un homme incontournable de la galaxie du président Poutine, à l’instar de son compatriote Roman Abramovitch, le boss de Chelsea. Son CV sulfureux évoque un long séjour en prison, pour extorsion de fonds, au début des années 1980. Craig Murray, ancien ambassadeur britannique en Ouzbékistan (de 2002 à 2004) l’a même récemment traité de « criminel » et de « gangster » sur son blog. Ses avocats anglais ont immédiatement demandé le retrait du post accusateur, en pointant des déclarations « fausses » et « grossièrement diffamatoires ». Ousmanov, lui, se présente comme un ancien prisonnier politique du régime soviétique, libéré et blanchi à l’arrivée de Mikhail Gorbatchev au pouvoir.

Ce proche de Poutine est aussi patron de la fédération russe d’escrime

L’ancien taulard, réputé astucieux et très efficace, a rapidement rebondi. Comme tous les oligarques, il a profité de l’explosion de l’URSS et de la privatisation de son outil économico-industriel pour bâtir, de façon trouble, son immense fortune. Aujourd’hui assis sur un magot estimé à 4 milliards d’euros, Ousmanov est l’influent directeur général de Gazprom Invest Holding, une filiale du monstrueux conglomérat gazier contrôlé par l’Etat russe. Il y a un an, Ousmanov avait acquis le quotidien libéral Kommersant (qui appartenait à un ex-associé de Boris Berezovski, la « bête noire » du Kremlin) pour 215 Meuros, afin, selon ses contempteurs, de le rapatrier dans le giron du pouvoir. Son allégeance « patriotique » ne s’arrête pas là : l’an dernier, le businessman a également racheté (à une société américaine) les droits de distribution de 547 films d’animation ayant bercé plusieurs générations d’enfants soviétiques.

Mais Ousmanov, c’est aussi un cacique qui intrigue dans le monde feutré de son autre univers, l’escrime. Patron de la fédération russe, président de la Confédération européenne de la discipline, il avait également brigué -sans succès- il y a trois ans, la présidence de la fédération internationale face au Français René Roch (élu 78 voix contre 30). Roch se montre circonspect face à son mystérieux collègue. « Il promettait beaucoup de choses mais je n’ai jamais compris pourquoi il s’était présenté contre moi. Je ne pense pas que ce soit un véritable passionné d’escrime, même s’il l’a pratiquée quand il était jeune. On ne le voit jamais lors des réunions de notre comité exécutif. Aux derniers championnats d’Europe à Gand (début juillet), il n’est même pas venu ». Les prochains Mondiaux, organisés à Saint-Pétersbourg du 26 septembre au 9 octobre, lui permettront peut-être de polir ses relations publiques à domicile, dans la ville d’origine de Vladimir Poutine.

En fait, c’est sa résidence moscovite qui en dit le plus sur le profil du personnage. « Une véritable forteresse, protégée par un mur haut de cinq mètres, avec deux automitrailleuses postées devant l’entrée, raconte Roch. Pour rentrer chez lui, on passe sous un portique, comme à l’aéroport. Il m’a déjà prêté sa voiture blindée : les portes sont lourdes, c’est pas facile de les fermer ! »

2007 © Le Journal du Dimanche

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Pour aller plus loin sur le sujet :

Denis Robert : « Le football est devenu une formidable machine à blanchir de l’argent ».

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