Le patronat français secoué par un scandale

Vendredi 19 octobre 2007 — Dernier ajout mercredi 17 octobre 2007

ECONOMIE : Le patronat français secoué par un scandale

Date de parution : Mercredi 17 octobre 2007

Auteur : Sylvain Besson, Paris

ENQUETE. Un dignitaire de l’industrie de la métallurgie distribuait des millions en liquide.

Les valises de billets sont de retour. On croyait que cet éternel ingrédient des scandales français avait disparu après les grandes affaires politico-financières des années 1990. Or, depuis fin septembre, le patronat est secoué par la révélation des retraits en liquide massifs effectués par le président de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), Denis Gautier-Sauvagnac.

Selon la presse française, ce responsable patronal aurait prélevé au moins 16,6 millions d’euros sur plusieurs comptes détenus par son organisation. Une enquête a été ouverte sur dénonciation de Tracfin, l’organisme chargé d’analyser les annonces de transactions suspectes faites par les banques. La police a retrouvé 2 millions dans un coffre loué par l’UIMM, tandis que des centaines de milliers d’euros ont été découverts dans le bureau et au domicile de Denis Gautier-Sauvagnac. Où devait aller cet argent ? Sur ce point, le dirigeant patronal est énigmatique. Il a évoqué les œuvres de charité de la métallurgie, avant d’expliquer que les fonds permettaient de « fluidifier les relations sociales ». Ce que certains ont immédiatement traduit par « graisser la patte des syndicats ».

En France, les syndicats patronaux et ouvriers vivent dans la plus totale opacité financière. L’antique loi qui les régit date de 1884, et précise simplement qu’ils « pourront employer les sommes provenant des cotisations ». L’UIMM, qui regroupe 45000 entreprises, ne publie ni comptes ni rapport annuel. Une discrétion « légitime », explique-t-on au siège de l’organisation, puisqu’elle est légale…

Selon Les Echos de mardi, l’UIMM disposerait de plusieurs cagnottes secrètes, dont un « fonds de solidarité » de 160 millions d’euros destiné à aider les dirigeants d’entreprises touchées par des grèves. Mais, dans l’affaire Gautier-Sauvagnac, les enquêteurs suivent d’autres pistes : financement occulte des syndicats de salariés ou des partis politiques, sans exclure un (improbable) enrichissement personnel.

Promesse de transparence

L’onde de choc créée par cette affaire est l’épreuve la plus sérieuse qu’affronte Laurence Parisot depuis qu’elle a pris la tête du Mouvement des entreprises de France (Medef), en juillet 2005. Hier, la patronne des patrons a promis d’imposer la transparence, sous forme de comptes publics et certifiés, à toutes les organisations qui composent le Medef. La logique consistant à accumuler des fonds occultes est « totalement dépassée », selon elle.

Ce scandale risque d’envenimer les relations entre patronat et syndicats, au moment où les deux parties mènent de délicates négociations visant à modifier le très rigide droit du travail français. Cette réforme est l’une des promesses centrales de Nicolas Sarkozy. Jusqu’à lundi, le principal négociateur côté patronal était Denis Gautier-Sauvagnac : il a été mis à l’écart, tout en conservant provisoirement la tête de l’UIMM. 

En attendant les conclusions de l’enquête, patrons et syndicalistes échangent des accusations contradictoires. Bernard Thibault, dirigeant de la CGT, déclare que son syndicat n’a pas touché d’argent et accuse les entreprises d’avoir constitué une « caisse noire » alimentée par le travail des ouvriers. Un ancien dirigeant du patronat, Yvon Gattaz, a défendu l’hypothèse inverse sur France Inter : « Cet argent était essentiellement fait pour le financement des syndicats. […] C’était un moyen de financement pas clair du tout, tout à fait glauque, inavoué et tacite. C’était l’omertà, personne ne devait le savoir. Il fallait bien qu’un jour ça éclate. »

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