Les transferts suspects du PSG sur le terrain judiciaire

Mercredi 9 mai 2007 — Dernier ajout mardi 21 avril 2009

Les transferts suspects du PSG sur le terrain judiciaire

C’était au tour de Michel Denisot d’être entendu comme témoin assisté.

Par Renaud LECADRE

jeudi 07 avril 2005 (Liberation - 06:00)

ll ne manquait plus que Michel Denisot pour compléter le tableau. A l’instar des autres anciens dirigeants du Paris Saint-Germain, comme Pierre Lescure, Charles Biétry et Laurent Perpère, l’actuel présentateur du Grand Journal sur Canal + a été entendu hier comme témoin assisté par les juges d’instruction Renaud Van Ruymbeke et Françoise Desset, en charge d’une affaire de transferts suspects au sein du club de foot de la capitale. Denisot a été le plus inamovible des présidents du PSG (de 1993 à 1998), loin devant Biétry (sept mois en 1998) et Perpère (de 1998 à 2003).

Alambiqués. Au cours des cinq dernières années, le PSG a englouti 230 millions d’euros dans des transferts alambiqués de footballeurs, sources de commissions baladeuses (jusqu’à 10 %) versées aux agents de joueurs. En dehors du cas Ronaldhino, prodige brésilien recruté en 2001 et revendu un an plus tard au FC Barcelone ­ « la seule bonne affaire du PSG, au milieu de bons à rien payés à rien foutre », selon un dirigeant ­, la plupart se sont soldés par d’importantes moins-values. « Une mauvaise affaire n’est pas forcément une infraction », note l’avocat d’un ancien responsable du PSG.

L’intérêt de l’affaire tient surtout au rôle des agents, ces intermédiaires qui contribuent à la valse endiablée des transferts. Le PSG étant (avec l’OM) l’un des clubs les plus actifs sur le marché, son cas offre une bonne entrée en matière : il a dealé avec les principaux agents, qui ont été méthodiquement perquisitionnés. Mais s’il s’agit de démontrer que les agents versent des rétrocommissions aux dirigeants et entraîneurs, le PSG n’est peut-être pas le bon cas d’école. « A la lecture de certains contrats, admet un responsable du club, c’est vrai qu’on peut se dire : c’est aberrant, c’est fou ! Pot aux roses ! » Lors du transfert de Ronaldhino, plus de la moitié des fonds avait transité par une structure néerlandaise, filiale de Canal +. Financement off-shore (les Pays-Bas font figure de paradis fiscal) ? En vérité, la famille du Brésilien avait exigé d’être en partie payée hors taxes, sous forme de droits d’image. Lescure s’en est expliqué devant les juges : « Les droits commerciaux n’ont pas été payés par le PSG, car c’était illégal, mais par une société dont c’était le métier. »

Les anciens tauliers du PSG se renvoient toutefois la balle à propos du rôle de Manuel Barbosa, principal importateur de joueurs brésiliens. Cet intermédiaire portugais, basé sur l’île de Madère, dont la société IOA est immatriculée aux îles Vierges, est bien connu de la justice française. Son nom est apparu une première fois dans l’affaire des Girondins de Bordeaux, sous la présidence d’Alain Afflelou, deux Brésiliens étant importés à titre personnel par le lunetier en lieu et place du club. Puis dans une affaire de l’OM sous Bernard Tapie ­ condamné en première instance, Barbosa s’en est mieux sorti en appel. Le revoilà enfin dans le dossier PSG, à propos de l’achat de Christian, avant-centre brésilien dont Barbosa affirmait détenir les droits alors qu’il n’en possédait qu’un bout de jambe ­au Brésil, les droits sur un joueur sont souvent découpés en morceaux. D’où un encaissement suspect de plusieurs millions de dollars.

C’est Denisot qui aurait introduit Barbosa dans les affaires du PSG. Puis Biétry l’aurait évincé, compte tenu de sa mauvaise « réputation ». Et enfin Perpère l’aurait remis en selle sous les bons conseils de… Denisot : « Il m’a dit qu’il avait toujours eu de bonnes relations avec lui et qu’on pouvait lui faire confiance. » Francis Graille, l’actuel président du PSG, partie civile, tente de rentrer dans ses fonds.

Appât du gain. « Van Ruymbeke se livre à un audit du PSG, tente de se rassurer un avocat. Il n’a rien de précis, mais il passe tout au scanner. » Régulièrement, le club doit livrer des tombereaux de documents ­ pas moins de 400 transferts passés à la loupe, entre 1998 et 2003. Ses anciens dirigeants ne sont pas loin d’être tentés de mettre en cause, non plus seulement les agents qui font valser les transferts, mais l’appât du gain des joueurs professionnels, bien moins neuneus qu’il n’y paraît de prime abord : « On est dans un domaine qui n’a rien à voir avec la vie normale des affaires. Quand un joueur ne veut plus jouer ou se fâche avec son entraîneur, sa valeur pour le club chute à vue d’œil. C’est ainsi que les joueurs imposent ce qu’ils veulent. »

L’enquête des juges d’instruction s’oriente également sur le Servette de Genève, le plus célèbre club helvète, récemment en faillite, qui fut un temps filiale de Canal + avant d’être cédé à Michel Coencas, ancien président de Valenciennes lors de l’affaire OM-VA, puis enfin racheté par un agent français, Marc Roger, aujourd’hui incarcéré. Avec autant de transferts franco-suisses à la clé.

© libération

Publié avec l’aimable autorisation du journal Libération.

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Pour plus de précisions veuillez vous reporter aux rubriques suivantes :

1) l’interview de Denis Robert : le football est devenu une formidable machine à blanchir de l’argent ;

2) L’ouvrage de Denis Robert : « le milieu de terrain ».

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