Les salariés des Echos accueillent le représentant de Pearson sous les huées

Mardi 6 novembre 2007 — Dernier ajout mardi 25 décembre 2007

06/11/2007 13:19

PARIS (AFP) - Les salariés des Echos accueillent le représentant de Pearson sous les huées

Les salariés des Echos , sonnés et en colère après l’annonce de la vente du titre à LVMH, ont accueilli sous les huées le représentant de leur propriétaire Pearson, David Bell, venu assister à un comité d’entreprise mardi au siège du quotidien.

Rassemblés dans le hall de leur immeuble, dans le 2e arrondissement à Paris, plusieurs dizaines de salariés ont formé une haie silencieuse à l’arrivée du président du groupe Les Echos, avant de le huer, a constaté une journaliste de l’AFP.

Ils ont déployé une grande banderole sur laquelle était inscrite : « M. Arnault, l’indépendance n’est pas un luxe ».

Pearson a annoncé lundi soir la vente des Echos au groupe de luxe LVMH, dirigé par Bernard Arnault, pour la somme de 240 millions d’euros.

Après être brièvement entré en salle de réunion, M. Bell est revenu dans le hall de l’immeuble pour s’adresser aux salariés.

« Je comprends et Pearson comprend très bien vos points de vue et nous en tenons compte depuis quatre mois », a-t-il dit lors d’une brève allocution en anglais traduite par un de ses collaborateurs.

« Je sais que vous n’êtes pas d’accord et je le respecte, mais nous avons négocié avec LVMH le meilleur accord en terme d’indépendance éditoriale de tous les journaux en Europe », a-t-il déclaré, régulièrement interrompu par des salariés le huant ou criant « mensonge ! ».

« Nous pensons aussi avoir obtenu de très grands résultats pour protéger l’emploi pour vous tous », a-t-il ajouté, avant de regagner le CE.

Le groupe britannique Pearson avait annoncé lundi la vente des Echos au géant du luxe LVMH pour 240 millions d’euros, au terme de quatre mois de négociations exclusives et malgré la vive opposition des salariés, qui ont décidé d’empêcher la parution du journal mardi.

Pearson et LVMH ont officialisé la vente en fin de journée dans deux communiqués séparés.

Les deux groupes ont attendu le résultat de l’action en référé intentée par les élus du comité d’entreprise (CE) contre la direction des Echos.

Ils accusaient cette dernière d’avoir abusivement mis un terme à la procédure d’information-consultation sur le projet de vente et demandaient sa reprise.

Mais le juge des référés les a débouté, estimant que la direction avait fourni des « informations importantes en quantité et en qualité » aux représentants des salariés.

Apprenant la vente alors qu’ils étaient réunis en assemblée générale, les salariés, « extrêmement choqués » d’une annonce aussi rapide, ont massivement décidé de ne pas faire paraître le journal mardi.

« Pearson a toujours dit qu’un journal était une communauté de journalistes. Manifestement, il l’a oublié », a déclaré le président de la Société des journalistes, Vincent de Féligonde.

« Ils annoncent la vente le soir, en catimini. On pensait que Pearson respecterait les gens, mais voilà », a-t-il ajouté.

Particulièrement unis, les salariés des Echos sont vent debout depuis quatre mois contre un repreneur dont ils craignent une mainmise éditoriale.

Cette rédaction ordinairement discrète a multiplié pétitions de personnalités, conférences de presse, tribunes, pour expliquer son opposition à la vente, allant jusqu’à faire grève à trois reprises.

Mi-juillet, elle a massivement apporté son soutien à l’offre concurrente déposée par le groupe financier Fimalac, sollicité par la direction de la rédaction.

Supérieure de 5 millions d’euros à celle de LVMH, cette offre n’a jamais été examinée par Pearson, lié au géant du luxe par une clause d’exclusivité.

Le groupe Les Echos (500 salariés) a affiché en 2006 un résultat d’exploitation en progression de 18,4% par rapport à 2005, à 10 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 126,2 millions d’euros et une diffusion de 116.762 exemplaires.

Si elle n’a pas empêché la vente, la mobilisation des salariés des Echos a conduit LVMH à assortir son offre d’importantes garanties sur l’indépendance éditoriale et sur le maintien des effectifs.

Le groupe s’est notamment engagé à octroyer à la rédaction un droit de veto sur la nomination du directeur de la rédaction, et il a promis qu’aucune mesure de licenciement économique n’interviendrait durant les trois prochaines années.

Pearson et LVMH ont précisé lundi que l’opération devrait être finalisée « d’ici à la fin de l’année ».

Le groupe de Bernard Arnault doit en effet obtenir le feu vert des autorités de la concurrence.

Pour cela, il doit céder La Tribune, le principal concurrent des Echos et compte confier Les Echos en portage à une filiale du Crédit Agricole dans l’intervalle.

Le nom du repreneur pressenti pour La Tribune, avec qui LVMH veut entrer en négociations exclusives avant mercredi soir, sera dévoilé jeudi au comité d’entreprise du quotidien.

Quatre offres fermes ont été présentées aux représentants des salariés : celle du PDG de NextRadioTV Alain Weill, du patron de la régie publicitaire Hi-Media Cyril Zimmermann, de l’ancien dirigeant du quotidien Philippe Micouleau et enfin de l’ancien PDG de DI Group (pôle médias de LVMH) Fabrice Larue, associé à l’éditeur italien Class Editori et à la société finanicère Viel et Cie.

Inquiet pour l’avenir du titre et de ses salariés, le comité d’entreprise de La Tribune a mis en garde la direction « sur le danger pour l’avenir de l’entreprise que représentent les offres déposées en l’état ».

© AFP

Publié avec l’aimable autorisation de l’Agence France Presse.

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