Un financier suisse derrière un scandale au Canada

Samedi 22 décembre 2007

INTERNATIONAL : Financier suisse derrière un scandale au Canada

Date de parution : Samedi 22 décembre 2007

Auteur : Sylvain Besson, Paris,et Ludovic Hirtzmann, Montréal

CORRUPTION. Le Tessinois Giorgio Pelossi devenu le témoin clé d’une affaire liée à Airbus.

Giorgio Pelossi se porte comme un charme. Tiré à quatre épingles, roulant dans une grosse Mercedes et accueilli à bras ouverts dans les meilleurs restaurants de Lugano, ce fiduciaire tessinois de 69 ans ne semble nullement gêné d’être devenu un acteur clé du scandale qui secoue le Canada depuis des semaines.

Le 13 décembre, devant le comité d’éthique de la Chambre des communes du parlement canadien, l’ancien premier ministre conservateur Brian Mulroney a admis avoir reçu 225000 dollars d’un homme d’affaires allemand, Karlheinz Schreiber. L’argent a été remis en 1993 et 1994, en grosses coupures, avant d’être caché dans un coffre-fort au domicile de Brian Mulroney. « C’était une grave erreur de jugement d’accepter un paiement en argent comptant… même s’il n’y avait là rien d’illégal », a expliqué celui-ci.

Fonds versés par l’avionneur

L’aveu est sensationnel. Car, durant des années, l’ancien premier ministre a vigoureusement combattu les allégations concernant ses liens avec Karlheinz Schreiber. En 1997, le gouvernement canadien lui avait même présenté des excuses officielles, assorties d’un dédommagement de 2 millions de dollars, pour l’avoir mis en cause dans une demande d’entraide judiciaire adressée à la Suisse.

C’est là que Giorgio Pelossi entre en scène. A la fin des années 1980, il était l’associé de Karlheinz Schreiber au sein d’une société nommée International Aicraft Leasing (IAL). Il la décrit comme une coquille vide, destinée à recueillir des fonds versés par l’avionneur Airbus pour décrocher des contrats au Canada et en Thaïlande.

« Je vous confirme que les versements reçus par IAL étaient bien effectués par Airbus, car je pouvais les contrôler avec les décomptes que je recevais », a indiqué Giorgio Pelossi au Temps. Les fonds transitaient par la Banque française du commerce extérieur, à Paris, « sans indication de l’expéditeur ». Le constructeur aéronautique aurait ainsi versé 15 millions de dollars pour le seul marché canadien. Selon Giorgio Pelossi, l’argent qui passait par IAL était ensuite récupéré par Karlheinz Schreiber sur un compte ouvert à Zurich. Les deux associés ont fini par se disputer sur la répartition de leurs commissions respectives.

Qui étaient les destinataires finaux des millions versés par Airbus ? Le constructeur a-t-il corrompu des décideurs politiques pour favoriser la vente de 34 appareils à Air Canada, en 1988 ? Brian Mulroney, qui était alors premier ministre, assure que les 225000 dollars qu’il a reçus de Karlheinz Schreiber n’avaient rien à voir avec ce contrat. Il s’agissait, selon lui, du paiement pour une opération de lobbying destinée à implanter une usine de blindés au Canada. L’installation n’a jamais été construite.

Quant à Airbus, l’entreprise se retranche derrière une déclaration stéréotypée : elle ne fait « aucun commentaire » sur cette « vieille affaire qui ressort régulièrement », a déclaré au Temps sa porte-parole, Barbara Kracht.

« Brian le menteur »

L’actuel gouvernement conservateur canadien semble peu pressé de faire la lumière sur le scandale. « Nous ne voulons pas vraiment prendre la décision d’ouvrir une enquête publique », a indiqué jeudi le premier ministre, Stephen Harper. La décision définitive - enquête publique ou pas - devrait tomber début janvier. Mais certains doutent que la vérité apparaisse : « Les gens appelaient M. Mulroney « Brian le menteur », a rappelé son ancien vice-premier ministre Eric Nielsen. C’est un politicien expérimenté. Je ne crois pas que nous aurons de réponses un jour. »

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