Crise de compétence entre juges cantonaux et procureurs fédéraux ?

Jeudi 17 janvier 2008

RÉGIONS : Crise de compétence entre juges cantonaux et procureurs fédéraux ?

illustration : Jacques Antenen, juge d’instruction cantonal vaudois (Yvain Genevay)

Extraits d’un article mis en ligne sur le site du journal Le Temps :

Date de parution : Mercredi 16 janvier 2008

Auteur : Fati Mansour

SUISSE ROMANDE. Les déclarations du juge vaudois Jacques Antenen ont rallumé la polémique sur la répartition des dossiers complexes.

Mais quelle mouche a donc piqué Jacques Antenen ? Les déclarations du juge d’instruction vaudois -qui a fait lundi l’éloge du savoir-faire cantonal en matière lutte contre le blanchiment d’argent en annonçant la confiscation de 11 millions de francs et déploré une sorte de prise de pouvoir du Ministère public de la Confédération (MPC) en ce domaine- ne sont pas passées inaperçues.

Ce cri du cœur a suscité quelque surprise, pour ne pas dire de l’agacement, au sein du MPC, où les juges vaudois n’ont jusqu’ici pas laissé le souvenir de magistrats voulant s’accrocher à leurs dossiers. Tout au contraire. Ils auraient plutôt tendance à reprocher aux procureurs fédéraux de ne pas suffisamment les soulager de procédures complexes.

De même, le canton n’a pas la réputation de s’être engagé, à l’instar de Genève dans les années 90, dans une sorte de traque volontariste contre l’argent sale. Il aura ainsi fallu attendre 2002 et les nouvelles compétences de la Confédération en la matière pour qu’une procédure nationale soit ouverte dans l’affaire Aeroflot, alors que les sociétés mises en cause dans les détournements de fonds étaient basées à Lausanne et leurs activités connues grâce à une demande d’entraide russe datant de 1999.

Enfin, les procureurs fédéraux ont peu goûté les critiques à peine voilées sur l’efficacité toute relative du MPC et de ses enquêteurs. « Le juge Antenen a mis 11 ans pour confisquer cet argent et il vient reprocher à une structure vieille de 5 ans de ne pas avoir de résultat », ironise l’un d’eux.

Souplesse

Voici pour les susceptibilités. Sur le fond, le message du magistrat rencontre un certain écho auprès de ses collègues, même si tout le monde semble d’accord pour dire que les cantons ne sont pas totalement privés des affaires de blanchiment. Si les actes de dissimulation de l’origine criminelle des fonds se sont déroulés en Suisse, en a décidé le Tribunal fédéral, l’affaire reste du ressort des cantons. Il y a donc encore une marge de manœuvre non négligeable pour ceux qui se sentent des velléités en ce domaine.

D’ailleurs, nuance désormais un peu Jacques Antenen, c’est bien ce message de souplesse qu’il a voulu faire passer à l’intention du Bureau de communication qui, à Berne, s’occupe de transmettre les signalements des banques et autres intermédiaires financiers à l’intention des enquêteurs. « Il ne s’agit pas de remettre en cause les compétences de la Confédération mais de rappeler que les cantons disposent aussi de ce savoir-faire et qu’il est dommage de ne pas l’utiliser. » Surtout lorsque les affaires sont susceptibles de rapporter gros.

La querelle de compétence s’est d’ailleurs déplacée sur le terrain assez inattendu du trafic de stupéfiants. De plus en plus d’affaires de drogue sont instruites au niveau fédéral et renvoyées en jugement avec une dose d’organisation criminelle pour remplir les critères nécessaires. Le Tribunal pénal fédéral a déjà fait part de son irritation au sujet de certains de ces dossiers considérés comme peu complexes.

Dans une interview accordée la semaine dernière au Temps, l’ancien juge du TPF Bernard Bertossa déplorait le flou qui règne encore sur cette répartition. Un avis partagé par le juge valaisan Jo Pitteloud : « Il faut être plus clair dans les choix. On en a ras le bol des technocrates qui décident comment les gens du terrain doivent enquêter. » En des termes plus choisis, le juge d’instruction genevois Daniel Dumartheray « souhaite qu’on intensifie la collaboration pour pouvoir travailler de concert ».

Lire la suite de l’article sur le site du journal Le Temps.

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