L’Allemagne face à un scandale historique d’évasion fiscale

Vendredi 15 février 2008 — Dernier ajout mercredi 19 mars 2008

15/02/2008 19:37

BERLIN (AFP) - L’Allemagne face à un scandale historique d’évasion fiscale

L’Allemagne vivait vendredi les préliminaires du plus grand scandale d’évasion fiscale de son histoire, alors que la justice enquête sur des « centaines » de personnalités soupçonnées d’avoir dissimulé leurs deniers au Liechtenstein.

"Dans de très nombreux cas, des personnalités-clés de notre pays ont voulu se soustraire à leur devoir de solidarité via l’impôt en pratiquant l’évasion fiscale vers le Liechtenstein", a indiqué le porte-parole du ministère des Finances.

L’une de ces « personnalités-clés » est déjà connue : le très influent patron de la poste allemande, Klaus Zumwinkel, soupçonné d’avoir soustrait un million d’euros à l’administration fiscale.

Il a présenté vendredi sa démission, après 18 ans en poste, et au lendemain d’une spectaculaire perquisition à son domicile et à son bureau.

M. Zumwinkel, qui a également annoncé vendredi qu’il abandonnerait la présidence des conseils de surveillance du géant Deutsche Telekom et de la Postbank, s’est déclaré prêt à collaborer avec la justice : « Je m’impliquerai activement dans la clarification des questions concernant mes relations financières privées », a-t-il dit au journal populaire Bild à paraître samedi.

La démission de l’emblématique patron était devenue « inévitable », la Poste étant placée dans une situation « difficile et accablante », a jugé la chancelière Angela Merkel. Le scandale « va au-delà de ce que je pouvais imaginer », a-t-elle ajouté.

M. Zumwinkel est cependant loin d’être la seule personnalité impliquée. Selon le parquet de Bochum (ouest), chargé de l’affaire « plusieurs centaines de personnes » ont procédé à des dépôts financiers « en particulier au sein de fondations au Liechtenstein, qui semblent avoir été créées pour servir l’évasion fiscale. »

Selon un porte-parole du ministère des Finances, il s’agit « de gens connus et inconnus, surtout de personnes dont les revenus sont dans le haut de l’échelle ».

Toutefois, à part le patron de Deutsche Post, aucun autre dirigeant d’une grande entreprise cotée au DAX, l’indice des valeurs vedettes de la Bourse de Francfort, n’est concerné, a assuré le procureur Bernd Bieniossek au quotidien Süddeutsche Zeitung de samedi.

A en croire ce journal, 900 ordonnances de perquisitions contre environ 700 suspects ont été délivrées, et devaient être exécutées dans les semaines à venir.

Selon le Tagesspiegel, qui évoque des investigations s’annonçant comme « la plus grande enquête fiscale jamais connue par l’Allemagne », la fraude porte dans certains cas sur des montants « bien plus importants que dans le cas de M. Zumwinkel ».

Tous les regards se tournent désormais vers le Liechtenstein, et en particulier vers la banque LGT, émanant de la famille princière.

"Nous avons pris connaissance de l’importante couverture dans les médias. La banque fiduciaire LGT-Treuhand, dont le siège est à Vaduz, est en train de procéder à des vérifications", a réagi le groupe bancaire, interrogé par l’AFP.

LGT-Treuhand est une filiale du groupe LGT, spécialisée dans la création de fondations.

Ce n’est pas la première fois que la petite principauté apparaît au premier plan d’un scandale financier en Allemagne : en 2000, lors de l’énorme scandale des caisses noires de la CDU (parti conservateur), des comptes au Liechtenstein avaient déjà fait couler beaucoup d’encre.

Le ministre des Finances, Peer Steinbrück, a souligné que cette affaire risquait de laisser des traces. « Ce sont les élites qui provoquent l’effondrement du système », et « de tels événements entraînent des réflexes protectionnistes, conservateurs et étatistes, ce que nous ne pouvons nous permettre », a-t-il à l’édition en ligne du magazine Die Zeit.

La réputation du patronat allemand a été sérieusement ébranlée ces dernières années par deux affaires : celle de la corruption du comité d’entreprise du constructeur Volkswagen, et celle des énormes caisses noires du conglomérat Siemens.

© AFP

Publié avec l’aimable autorisation de l’Agence France Presse.

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